Alors que le gouvernement de la Generalitat vient d'annoncer que lundi prochain, le parlement catalan devrait prononcer l'indépendance, on voit mal comment il serait possible de revenir en arrière...
En effet, chacun campe sur ses positions. Madrid, le roi inclus, prône le respect du droit institutionnel. Barcelone prône le droit du peuple à opiner et à changer ce droit si nécessaire.
Le gouvernement catalan parle d'un référendum et le gouvernement espagnol ne tolérerait celui-ci que dans le cas de consulter la population espagnole dans son ensemble.
Pour un français républicain, il faut bien avouer qu'il est complexe de comprendre le système des communautés autonomes du Royaume d'Espagne. Qu'est ce qui peut unir un catalan, un basque, un madrilène ou un andalou, à part la sélection de football (et encore...)? Certains ont des aides pour acheter les livres scolaires, d'autres des aides à la réinsertion, d'autres paient plus d'impôts sur le revenu mais moins sur un héritage,...
Un exemple concret: le prix de l'immatriculation de mon fils à la faculté de Salamanque me coûte 1.300 euros. Il serait du tiers en Andalousie et presque le double à Barcelone.
L'impôt de succession, presque symbolique dans la communauté de Madrid, est tellement élevé en Andalousie que bien des familles s'endettent pour le payer...
Pourquoi une telle différence ?
Bref: Il existe une telle disparité entre les citoyens de ce grand pays, selon la région où ils vivent, qu'il est bien difficile d'y faire naître un sentiment de justice et d'égalité.
Le cas de la Catalogne est encore diffèrent. Historiquement, cette région, comme le Pays Basque, a toujours revendiqué sa culture, sa langue, ses lois, et sa volonté de se démarquer de l'état central et a même déclaré son indépendance avec le président Companys sous la 2ème république. Sous Franco (de même que durant la courte dictature de Primo de Rivera de 1923 à 1930), il va de soi que la catalogne perd son autonomie, le droit de parler sa langue... On est espagnol nom d'une pipe ! Viva España ! Una y Grande !
Avec le retour de la démocratie en 1978, la nouvelle constitution fait la part belle aux communautés à fortes identités culturelles: Elles ont leur propre police, liberté de contenu quant aux programmes scolaires qui sont enseignés dans la langue régionale,..
Que demande le peuple !
Oui mais voilà: Madrid a (sans le savoir???) introduit là un dangereux cheval de Troie dans la forteresse constitutionnelle.
L'indépendantisme, menée par la bourgeoisie catalane, pour les mêmes raisons que les comtes catalans du moyen âge (money ! money !), a les mains libres pour mener un long travail de sape et endoctriner sournoisement les enfants des immigrés andalous venus en masse travailler dans cette riche région (qui représente à l'heure actuelle 20 % du PIB espagnol, mais possède aussi la dette la plus lourde du pays)
On éduque les enfants à devenir de bons catalans, on apprend une "autre" histoire de l'Espagne où l'état central y est souvent représenté comme l'état oppresseur.
La télévision et radio catalane, à la botte du gouvernement autonome, reprend donc naturellement cette propagande, en répétant à l'infini que la Catalogne donne beaucoup et reçoit peu (ça ne vous rappelle pas quelque chose? eh oui ! l'Allemagne et la France qui paient les autoroutes espagnoles et portugaises...)
Ajoutez à cela une loi électorale qui avantage les partis indépendantistes, sur-représentés aux parlement et au sénat, ce que leur permettent d'être souvent décisifs dans les débats nationaux (Actuellement le budget de l'état devrait être voté grâce aux voies du Parti National Basque, en échange d'un chèque supplémentaire pour sa région)
Pendant des années, la catalogne indépendantiste usera et abusera de ce chantage pour obtenir des avantages économiques, et revendiquer ses droits à une autonomie toujours plus grande.
Zapatero le socialiste leur promettra un nouveau statut, mais le tribunal constitutionnel le leur refusera.
Et ensuite, la politique désastreuse de Rajoy depuis 2011 qui refuse tout dialogue et la crise économique et ses répercussions sociales auront eu le mérite de faire grandir le nombre de voies indépendantistes en Catalogne, jusqu'à dimanche dernier... où les charges policières, aussi violentes qu'inutiles, ont définitivement convaincu les plus septiques à entrer dans la dynamique sécessionniste.
Le référendum de dimanche était illégal et sans garantis. Soit. Il faut dire que dernièrement Madrid avait singulièrement compliqué les choses en réquisitionnant urnes, bulletins et enveloppes, et en neutralisant les systèmes informatiques catalans de recensement et de vote.
Mais tous les sondages démontrent que la majorité des catalans veulent un référendum, pas spécialement pour dire oui à l'indépendance d'ailleurs, mais ils veulent qu'on les laisse s'exprimer !
Rajoy n'as pas l'air de comprendre... il y a seulement un an, un référendum officiel aurait vu certainement la victoire du NON. Aujourd'hui, il est presque certain que gagnerait le OUI, beaucoup votant en réaction à Rajoy et non par particulière sympathie pour une Catalogne indépendante.
Rajoy est tombé dans le piège...
il n'a plus qu'une solution. Lors de la proclamation unilatérale d'indépendance, il pourra appliquer l'article 155 de la constitution qui suspendrait l'autonomie de la région, la rattachant administrativement à Madrid et convoquer de nouvelles élections en Catalogne, en priant pour qu'un gouvernement non indépendantiste voit le jour. Autant dire que c'est jouer avec le feu et il lui faudrait revoir complètement sa copie en cas d'une probable victoire indépendantiste. Et Rajoy n'est pas réputé pour ses qualités d'ouverture et de dialogue. Ce serait plutôt du genre tête de bois...
Les catalans indépendantistes ayant opté, et encore plus depuis dimanche, pour une fuite en avant vers l'autoproclamation de la République de Catalogne, ce n'est pas de ce coté-là non plus que ça va se débloquer.
Reste une solution, peut-être, la plus logique selon moi: Que les acteurs de ce mauvais film s'en aillent. Que l'on fasse un nouveau casting et que l'on commence à écrire un nouveau scénario basé sur la constitution d'un état fédéral.
Cela passe donc par de nouvelles élections non seulement en Catalogne mais aussi à Madrid.
Gonzalez, Aznar, Zapatero ont alimenté l'indépendantisme. Rajoy doit maintenant s'affronter au monstre... |
À lire: Le statut d'autonomie de la catalogne