Depuis la fin de l'été, il est difficile de se lever le matin sans entendre dans le radio-réveil réglé sur l'heure des infos, un nouveau cas de corruption qui vient s'ajouter à la longue liste des affaires en cours.
La corruption politique: un sport national.
On avait l'affaire Gürtel qui implique des hommes d'affaires et des pontes du Parti de droite, le Parti Populaire (PP).On avait l'affaire des ERE qui met en cause le Parti Socialiste (PSOE) et ses alliés communistes de Izquierda Unida (IU) ainsi que le syndicat UGT en Andalousie.
On avait même le gendre (et certainement la fille) du Roi Juan Carlos mouillé dans l'affaire Nóss.
Sans oublier la tonitruante affaire Barcenas qui met en scène l'ex-trésorier du parti au pouvoir (PP) et une grande partie des éléphants de ce dernier, soupçonnés d'avoir touché des salaires au noir issus d'argent provenant de commissions illégales.
Je pourrais ainsi allonger la liste jusqu'à endormir le lecteur le plus motivé: Jaume Matas (PP) ex-président des Baléares en prison, Carlos Fabra (PP) ex-président de la Diputación de Castellón (celui de l'aéroport sans avions) dans l'attente d'y rentrer, Miguel Blesa (PP) ex-directeur de la Banque Caja Madrid en liberté alors qu'il devrait y être, etc, etc...
Une carte non-actualisée des cas de corruption politique es Espagne. |
Et ça continue encore et encore, c'est que le début d'accord, d'accord...
Nous sommes actuellement bercés, depuis quelques mois déjà, par les affaires Pujol qui mettent en scène le père, ex-président de la Catalogne pendant un quart de siècle (CIU, parti indépendantiste) et ses fils dans diverses histoires de détournements, de prévarications et de fraude fiscale qui semblent s'étendre bien plus loin que le simple cercle familial, le maire de Barcelone étant accusé cette semaine par le journal El Mundo d'avoir un compte de 13 millions d'euros en Suisse (comme Pujol-père, comme Barcenas, comme Blesa, comme Rato...)Mais la cerise sur le gâteau, le comble de l'indécence en ces durs temps de crise, où l'Espagne est placée après la Roumanie comme le pays d'Europe à la pauvreté infantile la plus élevée, où 1 espagnol sur 4 vit sous le seuil de pauvreté, où 7 sur 10 disent être touchés d'une façon quelconque par la crise,... cette goutte pestilentielle qui fait déborder le vase de merde de la corruption politique de ce pays, c'est l'affaire des cartes bancaires blacks du conseil d'administration de Bankia (ex-Caja Madrid) qui implique plus de 80 personnes (sauf 2 ou 3 qui n'ont pas utilisé leur dite carte) dont Rodrigo Rato, prédécesseur de Stauss Kahn et Lagarde au FMI. Des personnes aux salaires astronomiques, représentants les partis au pouvoir à Madrid (PP, PSOE, IU) mais aussi les syndicats (UGT et CCOO) ainsi que le patronat, à qui la banque allouait cette carte bancaire (non déclarée des deux cotés) pour officiellement payer leurs frais de représentation mais qui officieusement servait à mener grand train de vie: Voyages, restaurants et hôtels de luxe, bijoux, mais aussi discothèques, prostituées, achats au supermarché du coin, retraits en liquide qui pour certains atteignent des centaines de milliers d'euros sur plusieurs années. Une escroquerie de 15 millions d'euros en tout, qui servait certainement à payer les faveurs et le silence de pratiques plus que douteuses.
Pendant ce temps, cette même banque vendait des produits toxiques à de petits retraités qui voyaient disparaître les économies de toute une vie. Elle expulsait de leur logement, par milliers, des familles endettées incapables de payer leurs traites.
On croyait être arrivé au bout, le vase étant rempli. Mais non.
Il continue de dégueuler, et de salir le beau napperon sur lequel il trône.
Cette semaine, une vaste opération policière (opération Punica, comme les guerres, mais en fait en référence à la grenade, fruit dont le nom rappelle celui du principal suspect ) met à jour une trame de corruption nationale mêlant essentiellement des hommes politiques du PP (et quelques-uns du PSOE), des fonctionnaires et des entrepreneurs dans des affaires de commissions sur commandes publiques. L'entreprise Cofely, filiale de la française GDF-Suez, est de la partie avec quatre de ses dirigeants détenus. Le principal inculpé, Francisco Granados, ex-secrétaire général du PP de Madrid, dort ce soir, ainsi qu'une quinzaine de ses complices, dans la même prison que son copain Barcenas qu' il retrouvera certainement dans les douches.
Surprise aux prochaines élections ?
Dans ce marasme général, une institution semble encore fonctionner à peu près. La justice fait son travail et continue à tirer le fil d'un tricot qui pourrait laisser à nue une démocratie bien mal en point, et entraîner une crise institutionnelle sans précédent en dévoilant au peuple que depuis le début de celle-ci, dans la lignée des pratiques de la dictature, ce sont tous les partis politiques ayant eu accès au pouvoir, qui ont participé au festin.Mais la justice est lente, très lente. Des années pour arriver à conclure des procès qui débouchent trop souvent sur des peines ridicules converties rapidement en amnisties gouvernementales. Quand ce n'est pas les juges qui sont directement écartés.
Devant ce raz de marée de corruption, face à la grogne de plus en plus audible de la population, le Parti Socialiste et le Parti Populaire n'ont pas d'autre choix que d'annoncer des mesures drastiques contre les vers qui pourrissent leur fruit, mais continuent à se rejeter la balle dans un jeu grotesque du "c'est moi le super parti anti-corruption et tu es plus pourri que moi". Le gouvernement s'apprête à légiférer de manière "efficace et exemplaire" sur la question.
Un peu tard semble-t-il.
Difficile de faire croire, une fois pris la main de le sac, qu'on ne savait rien. Difficile de ne pas les mettre tous dans le même (sac).
Podemos contre la caste politique (caspa = pellicules en espagnol) |
du gouvernement), c'est un tsunami politique qui pourrait bien avoir lieu en Espagne avec l'apparition du trublion Podemos dans les institutions et peut-être même au pouvoir.
Ce nouveau parti, taxé de populiste par le bipartisme aux abois, issu des mouvements sociaux des indignés, est en effet actuellement premier dans les intentions de vote des espagnols, et son nombre d'adhérents à déjà dépassé celui du Parti Socialiste.
Son programme est clair: Rendre la démocratie et la politique, séquestrées par les pouvoirs financiers et économiques, minées par la corruption de ces mêmes pouvoirs, au peuple souverain.
Une utopie me direz-vous ?
Théodore Monod ne disait-il pas: « L’utopie ne signifie pas l’irréalisable, mais l’irréalisé. L’utopie d’hier peut devenir la réalité. »
Et pour conclure, cette superbe définition de Alvaro Malaina: « L’utopie est à l’horizon. Je fais deux pas en avant, elle s’éloigne de deux pas. Je fais dix pas de plus, elle s’éloigne de dix pas. Aussi loin que je puisse marcher, je ne l’atteindrai jamais. À quoi sert l’utopie ? À cela : elle sert à avancer. »
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