Garouste est un peintre atypique qui, comme le saumon, voyage à contre-courant.
Lorsque j'ai commencé à découvrir ses toiles, dans les années 80, peu étaient les artistes qui osaient prendre des pinceaux. L'art conceptuel et minimal régnaient en maîtres autant dans les écoles que dans les galeries et les foires en tous genres et il fallait être particulièrement gonflé ou inconscient pour oser revendiquer l'héritage des grands peintres de l'histoire de l'art.
Il lui a fallu d'ailleurs être reconnu d'abord aux U.S.A pour que la France accepte sa peinture qu'elle trouvait académiste, passéiste et sans intérêt.
Face au langage transgresseur et speudo-avantgardiste de ce nouvel art officiel qu'était et est encore en partie aujourd'hui, l'art "contemporain" (qui soit dit en passant vit depuis un siècle des cadavres de Duchamp pour la sculpture, et de Malevitch pour la peinture, nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir dans un autre article..), il est vrai que le travail de Garouste reste déroutant:
Loin de vouloir casser les règles, il décide de les reprendre à son compte. Loin de vouloir se couper de l'histoire de la peinture, il décide, comme Picasso, de l'assimiler, de la digérer et de s'en inspirer. Après tout, n'est ce pas dans les vieilles marmites que l'on fait les meilleures soupes?
Il fabrique ses huiles lui-même, prépare ses toiles et leur applique un fond ocre avant de travailler commençant par les blancs, à la manière des maîtres de la renaissance. Ses sujets s'inspirent de la mythologie, de scènes religieuses.
Mais sous cet apparent classicisme qui en a trompé plus d'un, il nous donne à voir et à comprendre la peinture elle-même.
Après diverses périodes réalistes et abstraites, ces dernières toiles ont un aspect presque surréaliste et clairement auto-biographique. Elles m'avaient un peu dérouté au départ, certainement parce que je ne possédais pas toutes les clés pour les comprendre...
Ce n'est sûrement pas un hasard si ce livre naît maintenant, comme une sorte de mode d'emploi pour appréhender son oeuvre.
Un petit ouvrage auto-biographique (150 pages) qui nous fait découvrir son enfance traumatisée par un père antisémite, pro-allemand, qui fera fortune en revendant les meubles saisit aux juifs. Ce père, véritable tyran domestique, qui aura tant d'influence sur sa santé mentale et sa peinture...
Car c'est bien la révélation de ce livre: L'oeuvre de Garouste est intimement liée à son enfance, à ses peurs, ses frustrations. Elle est rythmée par ses séjours en hôpital psychiatrique. On comprend alors les choix de ses thématiques, de son iconographie, de son intérêt pour les textes sacrés, la Torah notamment.
L'internat, l'hôpital, le tableau...Autant d'univers clos où Garouste se sent en sécurité, chez lui, loin de LA réalité.
Au fond, tout artiste n'est-il pas une sorte d'autiste qui utilise un médium pour compenser son incapacité à communiquer avec ses semblables ?
Gérard Garouste, Judith Perrignon
L’intranquille Autoportrait d’un fils, d’un peintre, d’un fou
éditions l'Iconoclaste, 2009. (également au livre de poche)
L’intranquille Autoportrait d’un fils, d’un peintre, d’un fou
éditions l'Iconoclaste, 2009. (également au livre de poche)
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