Ce blog ne prétend rien d'autre que d'être une suite d'articles sans liens ni thématiques particulières. Il fait part de la vision d'un expatrié sur ce merveilleux pays qui l'a accueilli, essayant d'en donner une image diffèrente des clichés qu'en ont souvent ceux qui le méconnaisse. Il cherche aussi à temoigner d'une expérience personnelle qui prouve que le bonheur n'est pas une chimère...

24 févr. 2015

Simon Vela, légende d'un Français en Espagne

la peña de francia
La Peña de Francia (Province de Salamanque-Castille et Léon)
Je ne suis pas le seul Français à avoir atterri dans ce coin reculé de la province de Salamanque. Peut-être le premier Vosgien, mais pas le premier Français...

Comme je l'avais expliqué dans un autre article, le nom de Sierra de Francia (littéralement Montagne de France) trouve ses origines dans le repeuplement de cette région au XII siècle par des Français du sud-ouest.
Certainement lié à cet événement majeur, la légende de La Vierge Noire de La Peña de Francia fait résonner le nom de notre pays dans toute l'Espagne, et même au delà. Des missionnaires dominicains originaires des monastères environnants s'en iront, à partir du XVI siècle, pour les lointaines colonies et y essaimeront le culte de Notre Dame de la Peña de Francia en Argentine, au Mexique, au Brésil et même aux Philippines.

La légende du Français Simon Vela.

J'ai ce point commun avec Simon Roland (son véritable nom) que je suis arrivé à Salamanque par hasard et que j'y ai trouvé aussi une vierge qui deviendrait ma femme.
À partir de là,  nos chemins se séparent...
Et l'histoire commence ainsi...

La Vierge apparut à un jeune étudiant parisien appelé Simon Roland. Elle lui commanda de trouver une image d'elle, perdue il y a fort longtemps.
Elle lui dit: " Simon, veille et ne dors point. Tu iras à la Peña de Francia, qui se trouve en terres d'occident, et tu y chercheras une image semblable à moi. Tu la trouveras dans une grotte. À ce moment là, je te dirai ce que tu devras faire." ("Attention, ce message s'autodétruira dans 10 secondes...."
On comprend le pourquoi du nom qu'on lui donnera plus tard: Simon Vela, velar signifiant veiller en espagnol.)
Simon, suivant ces instructions, quitte Paris et parcourt la Bretagne, pointe occidentale de la France. Mais personne ne connaît la dite "Peña de Francia" (Peña est un sommet, synonyme de montagne.)
Déçu, de retour à la capitale française, une voix céleste se fait entendre à nouveau: "Simon, veille. Ne renonce pas à ton pèlerinage. Tes efforts se verront récompensés."
Durant cinq longues années, il continua à chercher sans succès la mystérieuse Peña de Francia sur tout le territoire français. Finalement, il se joignit à des pèlerins en route pour Saint Jacques de Compostelle avec qui il s'agenouillera devant le sépulcre de l'apôtre.
Lors du voyage de retour, il se dévie quelque peu et s'arrête à Salamanque. La Peña de Francia se découpe clairement sur l'horizon. Mais personne dans la ville, ni même les nombreux étudiants, n'est capable de lui procurer quelque information utile.
Jusqu'au jour où,  sur la place du marché de Salamanque, alors qu'il vient de passer six mois dans le petit bourg voisin de Tormes,  il entend la voix d'une femme qui vend du "charbon végétal de la Sierra de Francia". Tentant de courir en direction de la voix, il bouscule des étales et des gens qui, pensant avoir affaire à un fou, le sermonne et le frappe. Entre temps, la femme a disparu et personne, encore une fois, ne saura le renseigner sur elle ou sur la Peña à laquelle il fait référence.
simon vela, un français en espagne
La Vierge cachée dans la grotte et parlant â Simon Vela.
Mais il sent qu'il se rapproche de son but. Et persévérant, il assiste un autre jour sur cette même place à la dispute de deux charbonniers. L'un d'entre eux menace l'autre de le tuer et ensuite de se cacher dans les bois de la Peña de Francia pour échapper à la justice. Les explications que notre Français lui demanda n'obtinrent pas de réponse, mais Simon Roland ne les perdit pas de vue: Il  les suivit lors de leur voyage de retour, et arriva ainsi jusqu'à San Martín Del Castañar, un village de la Sierra de Francia proche de la Peña.
Durant trois jours, il cherche en vain, accompagné de la vierge qui lui susurre "Simon, veille et ne t'endors point...".
Le troisième jour, elle lui apparaît entourée d'un lumière aveuglante, pour lui annoncer que sous le rocher où il venait de s'allonger, se trouve la relique qu'il cherche depuis tant d'années: "Tu creuseras ici, et ce que tu y trouveras devra être exposé dans l'eglise que tu construiras au sommet de la montagne."
Simon descendit à San Martín chercher de l'aide. Quatre habitants, espérant trouver un trésor, proposent de l'accompagner. Après bien des efforts, ils réussirent tous ensemble à bouger la grosse pierre derrière laquelle, dans une petite grotte, se cachait l'image de la Sainte Vierge.
L'histoire a conservé les noms des quatre hommes: Pascual Sánchez, Juan Hernández, Benito Sánchez qui laissa un témoignage écrit de la découverte, et Antón Fernández.
La Vierge voulu que la découverte de son image soit accompagné de prodiges, et exauça un voeu à chacun d'entre eux.
Cet évènement eut lieu le mercredi 19 mai de 1434, alors que régnait en Castille Don Juan II et que Rome avait pour pape Eugène IV.
Simon passa le reste de sa vie à s'occuper de l'image de la Vierge, dans la petite chapelle de la Peña qu'il construisit de ses propres mains.

vierge de la peña de francia salamanque espagne
Copie de la statue originale
dans la grotte du sanctuaire.
Lorsqu'en 1835, le monastère dût être (provisoirement) abandonné à cause de la vente des biens de l'église (désarmortissement), les villages de la Sierra de Francia commencèrent une véritable guerre pour s'approprier la statue de la Vierge Noire. Elle fut enlevée à plusieurs reprises par les habitants de La Alberca, Mogarraz et Sequeros. Récupérée ensuite par la force par les habitants des autres villages et replacée dans sa chapelle d'origine.
Une nuit de 1872, elle fut de nouveau volée et cachée, dit-on, dans une cave de Sequeros. Elle fut restituée 19 ans plus tard sous le secret de la confession au père supérieur des dominicains de Salamanque. Mais ayant souffert de l'humidité, on retailla une image, qui est celle que l'on peut admirer aujourd'hui à la Peña de Francia. Il semblerait que les restes de l'ancienne statue se trouvent à l'intérieur de la nouvelle, visibles au travers d'une ouverture faite au niveau du buste de la Vierge (je n'ai personnellement jamais pu le vérifier, celle-ci étant toujours habillée en public.) 
vierge nore de la peña de francia
La Vierge noire de la Peña de Francia.

La Moza Santa, la prophétesse de Sequeros.

Un autre personnage clé de cette légende, antérieur à Simon Vela, est la Moza Santa (Traduisez: la sainte demoiselle) du village voisin de Sequeros.
folflore de salamanque-espagne
Danses folkloriques et procession de la Sainte Croix
à Sequeros, en l'honneur de la Moza Santa.
Juana Hernández, comme elle s'appelait, mourut de la peste en 1424. Mais sur son lit de mort, déjà presque enterrée par les siens, alors qu'elle était dans un profond coma, elle se réveilla pour leur annoncer plusieurs prophéties qui s'accompliraient peu de temps après.
En plus d'avertir ses parents d'un malheur à venir pour une sombre histoire d'héritage, elle annonça la découverte d'une image de la Vierge qui avait été cachée 200 ans plus tôt dans la Peña de Francia. (Certainement pour la protéger des invasions musulmanes bien que celles-ci datent plutôt de 700-800 et que la Sierra de Francia a été reconquise vers le 10ème-11ème siècle.)
Elle déclara également que trois signes célestes lumineux en forme de croix marqueraient les endroits où, postérieurement, se construiraient le monastère de Gracia à San Martín del Castañar et le sanctuaire de la Vierge de la Peña de Francia ainsi que son monastère.
Sa dernière prophétie concernait son village de Sequeros pour lequel elle jura que jamais plus la foudre ne l'atteindrait, voeu qui apparemment a été exaucé jusqu'à aujourd'hui.

Les reliques de Simon et Juana.

église del robledo  Sequeros
Église Del Robledo, dans le village de Sequeros, classé monument historique.
reliques de la moza santa sequeros
Fémur de la Moza Santa.
Le 3 mai de chaque année, à Sequeros, a lieu la fête de la Sainte Croix, qui rappelle la vie et l'histoire de la Moza Santa.
Une procession part de l'église del Robledo qui abrite les restes de la jeune prophétesse et de notre moine français. Elle se trouve hors du village (Ici, il est courant qu'un village possède plusieurs églises, chapelles et autres ermitages...), et peut se visiter.
En plus d'un impressionnant plafond de style mudéjare, et d'un retable baroque, on y verra les vitrines à
l'étage supérieur où sont exposés les os de Simon Vela, dont son crâne troué par la chute, selon la légende, d'une grosse pierre lors d'une sieste au pied de la Peña de Francia. (Je voudrais bien connaître l'avis du pauvre bougre dont on a  profané les restes et intentionnellement trépané le dessus de son crâne, un trou rond si parfait qu'il est difficile de croire qu'il ait été provoqué par un caillou.)
Y trônent également le crâne d'enfant (très petit, trop petit, vraiment...) de Juana ainsi qu'un de ses fémurs.
reliques de simon vela sequeros
Reliques de Simon Vela.

Le sanctuaire de la Peña de Francia.

peña de francia, salamanque espagne
Le Sanctuaire de la Peña de Francia.
Perché à 1728 mètres, au sommet d'une montagne dont la silhouette typique est reconnaissable depuis une bonne partie de la province de Salamanque, et qui fut très tôt un pôle d'attraction spirituel, le sanctuaire offre une vue imprenable sur les plaines de Salamanque, le Portugal et l'Extrémadure, ainsi que les massifs du système central.
Le monastère dominicain du XV siècle abrite actuellement 2 ou 3 moines, mais vers 1512, la communauté débuta avec 22 membres et comptât même 60 frères au XIII siècle.

casa baja el maillo
Le monastère de Casa Baja  vu
de la Peña de Francia.
On construisit en même temps au pied de la Peña de Francia, le monastère "d'hiver" appelé Casa Baja (Maison Basse), car perché sur son piton enneigé et battu par les vents, le sanctuaire restait inaccessible pendant plusieurs mois de l'année.
Ce monastère "d'appui" servait également de camp de base et d'approvisionnement, car des groupes de moines se relayaient pour s'occuper du sanctuaire et des pèlerins qui pouvaient (et peuvent encore aujourd'hui) s'y loger.
la Casa Baja de la commune du Maíllo, déclaré Monument Historique, est dans un état de ruine déplorable, comme il arrive souvent dans ces contrées où la richesse du patrimoine est telle que l'état ne peut financer tous les projets.
Victime du désarmortissement à la moitié du XIX siècle, de saccages et de vols, il sert actuellement d'étable. Ce n'est malheureusement pas le seul monument de la région qui servent à héberger du bétail. Les vaches et les brebis ne connaissent vraiment pas leur chance...

Que l'on monte à la Peña de francia à pied ou en voiture, pour y contempler le coucher du soleil ou les étoiles, pour y prier ou pour se ressourcer, ce lieu ne laissera personne indifférent, comme toute la Sierra de Francia d'ailleurs...
aube sur la peña de francia
Vue à l'aube depuis la Peña de Francia.

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...