Ce blog ne prétend rien d'autre que d'être une suite d'articles sans liens ni thématiques particulières. Il fait part de la vision d'un expatrié sur ce merveilleux pays qui l'a accueilli, essayant d'en donner une image diffèrente des clichés qu'en ont souvent ceux qui le méconnaisse. Il cherche aussi à temoigner d'une expérience personnelle qui prouve que le bonheur n'est pas une chimère...

28 nov. 2015

BD: La nueve, ces républicains espagnols qui ont libéré Paris.

J'ai aimé...

paco roca la nueve


Après avoir dévoré la bande dessinée et vu la version en dessin animé de "Rides" (Arrugas en espagnol, reédité sous le titre de "La Tête en l'air"), un récit sur la vieillesse et l'Alzheimer traité avec beaucoup de délicatesse et de sensibilité, je suis tombé l'autre jour sur "La Nueve", un des derniers ouvrages de Paco Roca.
 "Los surcos del azar", qui peut se traduire pas les sillons du hasard, est le titre original de cette BD fleuve de  plus de 300 pages.
Paco Roca y raconte, avec son style simple mais efficace, un épisode de la deuxième guerre mondiale peu connu aussi bien des français que des espagnols: Les premiers soldats de la fameuse 2ème DB (et pas BD..) du général Leclerc à être entrés dans Paris le 24 aôut 1944 n'étaient pas des français sinon des républicains espagnols.
L'histoire commence sur le port d'Alicante, les derniers jours de la guerre civile espagnole. L'attente d'un bateau pour échapper aux troupes italiennes et franquistes aux portes de la ville...
Un vieil homme d'origine espagnole, interviewé de nos jours à Baccarat (Lorraine) par celui qui pourrait bien être l'auteur de la future bande dessinée, raconte son périple qui le fera donc passer d'Alicante à Oran, être prisonnier politique sous le régime de Vichy puis s'enroler dans l'embryon d'armée française de libération après le débarquement allié en Afrique du nord pour finir avec ses compagnons d'armes comme les héros oubliés de la libération de Paris.
Et puis surtout, cet espoir frustré qui les motivera et les fera tenir dans les moments difficiles: Le fol espoir, la certitude même, qu'une fois l'Allemagne nazie vaincue, les alliés leur rendraient la monnaie de la pièce en envahissant l'Espagne pour leur permettre d'y restaurer la démocratie.
Peine perdue,... et la tentative de quelques milliers de républicains de passer les Pyrenées (Invasion du Val d'Aran) ressemblera plus à un baroud d'honneur qu'à une véritable offensive. Le général De Gaulle reconnaitra le régime franquiste peu après.

Extrait de 2 minutes du reportage ci-dessous.


Leur histoire.

Pablo Roca:
Site web de Paco Roca.
Editions Delcourt. Livres de P. Roca en français.

4 nov. 2015

Opération "Jabot bouché"


Grâce à l'information circulant sur internet, on peut fabriquer une bombe artisanale, préparer et réussir son suicide, mais aussi sauver une vie, même modeste.


J-7.

Depuis quelques jours, j'observais sur l'une de mes poules une "inflammation" anormale de son cou. J'ai pensé d'abord à une tumeur et en cherchant sur le net, je suis tombé sur des articles traitant d'un problème qui arrive assez fréquemment à ses oiseaux voraces: Le jabot bouché.
Le jabot d'une poule peut se boucher à cause d'un objet comme un gros gravier, un morceau de plastique, une coquille d'escargot,... et même une rondelle de carotte cuite, qui peut faire office de clapet et empêcher les aliments de descendre dans l'appareil digestif. Le jabot gonfle, l'animal ne peut plus s'alimenter et finit par mourir.
jabot de poule
Le plan secret de l'opération (source: AREHN)
Par les nombreux témoignages que j'ai pu lire et plusieurs vidéos d'opérations vétérinaires, il semblerait encore plus fréquent que le jabot d'une poule se bouche à cause d'une accumulation de longues herbes, qui en s'enchevêtrant, finissent par faire une boule énorme impossible à digérer.
Lorsque je palpais le jabot de Negrita (c'est son nom dorénavant, c'est la seule à avoir un nom), je sentais effectivement que celui-ci avait la taille d'une grosse orange mais je ne savais pas ce qu'il y avait à l'intérieur. Si ce n'était ce jabot impressionnant, la gallinacé ne semblait pas être mal en point et s'alimentait normalement. Mais à la longue, je savais qu'elle s'épuiserait et que l'issu était la mort.

J-5: Isolement, massages, aliments liquides:

Pour éviter que Negrita continue à manger comme ses camarades, je l'ai rapidement isolée, et soumise à un régime à base de soupe de légumes et de yaourt, en espérant que ces aliments liquides puissent passer. J'ai ensuite essayé pendant plusieurs jours de la faire vomir ou tout du moins de "désagréger" cette boule pour qu'elle passe par les voies naturelles: 3 ou 4 fois par jour, je lui administrais de l'huile d'olive et de l'eau à l'aide d'une seringue pour ensuite lui masser longuement et fermement le jabot pendant 10 minutes, en la tenant la tête vers le bas. Rien à faire. Après plusieurs jours de ce traitement, je voyais bien que la boule était un peu plus molle mais rien de plus.
Tout me laissait croire qu'ils s'agissait d'une boule d'herbe...

J-1: La Superglu, cette grande invention:

Je navigue sur le net, à la recherche d'infos, de solutions possibles. Le vétérinaire semble l'unique recours. Dépenser 60 ou 100 euros pour sauver ma poule, sans compter que tous les vétos n'opèrent pas une poule, le mien est à 50 km...J'aime les animaux, mais quand même... Je sais, on peut me dire que c'est du "racisme" animal, car je n'aurais pas douter un instant de dépenser cette somme pour un chat ou un chien.
Et puis soudain je tombe sur cette incroyable vidéo:


Coller les plaies à la Superglu ! Je ne pouvais pas le croire mais apparemment ça marche!
L'opération semble simple: À cette endroit, il n'y a pas beaucoup de chair: En évitant l'artère, une première incision, un seconde pour ouvrir le jabot, on retire le bouchon, on colle et hop! Affaire conclue!
Je visionne d'autres vidéos plus longues de vétérinaires opérant des poules atteintes du même problème de manières plus académiques, en fermant les plaies avec du fil.
Durant la nuit et un sommeil agité, l'idée fait son chemin: Je pourrais opérer moi même Negrita...

Opération "Jabot Bouché".

Vendredi 09 octobre (Octobre rouge)
13h00: Je commence à préparer le matériel sur l'établi un peu sombre du garage. J'aurais une lumière naturelle dans la cuisine mais Madame me virerait de la maison si elle me voyait faire ça là.
Et puis....Il s'agit d'une opération secrète. Fred Bond 007, permis d'opérer à défaut de tuer.
Je retrouve un cutter spécial qui date des beaux arts et servait à faire de fines découpes de photographies et même de plastiques. C'est ce qui ressemble le plus à un bistouri. J'y mets une lame neuve et la nettoie à l'alcool. Je prends aussi un cutter normal au cas où.
Des compresses, une pince à épiler pour retirer le bouchon, une seringue avec de l'eau tiède pour laver l'intérieur du jabot, une lampe frontale pour mieux voir et le tube de Superglu...je crois que je n'oublie rien.
Je suis nerveux.
Vais-je faire une connerie?
Bon, si ça se passe mal, un coup sur la tète et on en parle plus!
Oui mais quand même! j'ai même pas d'anesthésie locale...(il est apparemment compliqué d'anesthésier complètement les oiseaux)
Je pense un instant à lui faire boire du whisky ou un truc dans le genre, comme dans les films de types durs qui mordent leur ceinture pendant qu'on leur retire une balle, histoire qu'elle soit un peu moins consciente. Mais je risque de lui faire plus de mal que de bien.
J'attache les pattes de Negrita et la fixe à une petite planche de bois en introduisant son corps dans un vieux pyjama d'enfant, l'empêchant de bouger les ailes. Avec le pantalon de ce même pyjama, je recouvre un peu sa tête pour la tranquilliser.
Le jabot est là, gonflé, bien éclairé grâce à ma lampe frontale. 
Au fond de ma grotte, je dois ressembler à une sorte de savant fou, Docteur Moreau ou mister Frankenstein.
J'y vais ou j'y vais pas?
Je finis finalement par me décider. je prends le cutter...
rien.
Pas une marque sur la peau. Ce truc ne couperait même pas le beurre. l'autre cutter de secours non plus. J'avais pourtant fait des essais sur du plastique dur et ils coupaient ces machins-là. Mais je n'ose pas non plus appuyer trop fort.
merde, merde,merde.
Je cours chercher une lame de rasoir neuve.
Là oui, je commence à inciser la peau. un peu de sang coule.
Compresse.
Le doute m'envahit. Je n'aurais pas dû..oui mais maintenant il faut continuer.
La lame de rasoir pour le jabot, c'est pas possible, trop gros, trop peu précis pour aller dedans.
Je reprends le cutter-bistouri et en y mettant sa pointe, j'arrive à transpercer ce corps élastique et dur, à le couper sur deux centimètres.
Encore un peu de sang.
Compresses.
Avec la pince à épiler d'Angela, (je te jure que je l'ai bien nettoyée ensuite), je commence à retirer des "cordes" d'herbes mouillées et fétides.
Entre temps, comme si elle avait lu dans mes pensées, celle-ci arrive sans savoir ce que je fais exactement, et pensant que je suis en train de faire un autre genre de bricolage, elle s'approche pour me commenter quelque chose. Voyant la scène, accompagnée de l'odeur très désagréable qui l'accompagne, elle décide de se retirer à grands cris dans ses appartements.
Une bonne partie du bouchon a été retirée mais son centre est resté dur et sec. Je dois tirer assez fort avec une pince d'électricien pour pouvoir le sortir. Le jabot, élastique, s'ouvre et se referme à son passage. La poule, qui jusqu'à présent n'avait pas bronché, se plaint un instant.
Voilà, c'est fait. deux ou trois seringues d'eau introduites à l'intérieur pour laver le jabot et vérifier qu'il ne reste rien. Compresse pour sécher puis vient le moment magique de la superglu.
Je me dis que cette colle sur des tissus à vif risque de faire réagir Negrita. Non, elle ne dit rien. Le jabot se referme. Incroyable.
Je passe à la plaie externe, mais l'humidité du sang et de l'eau empêche la colle de prendre.
Remerde, merde, et merde.
À vive voix, j'appelle Angela à l'étage pour qu'elle m'amène une aiguille et du fil, ce qu'elle fit prestement.
Moi qui suis nul en couture.., et elle qui refuse absolument de mettre la main à la pâte. Elle m'a néanmoins préparé le fil avec son petit noeud. je n'ai plus qu'à terminer.
Negrita, je le comprends, n'apprécie guère. Elle aurait préféré terminer à la Superglu.
À chaque fois que je la pique, elle pousse un gloussement réprobateur. Mais je fais ça pour toi, moi! tu crois que je prends mon pied?
Une paire de boucles, un dernier noeud. un peu de désinfectant. Ça ressemble plus à un rôti qu'à une cicatrice.
Mais Negrita est sauvée, enfin, pour l'instant.
14h25: je mange sans appétit. Pas par dégoût, mais à cause de la tension nerveuse qui, après coup, remonte à flot.

Debriefing, photos à l'appui:

On dirait que rien ne s'est passé, elle a l'air en forme. Mais ma grande peur est une possible infection post-opératoire.
J'isole donc Negrita dans une caisse garnie de papier journal,  bien au chaud dans le garage.
Comme vu sur l'article béni, pas d'eau avant 24 heures, mais déjà le soir (8 heures après l'opération), je lui donne un peu de maïs cuit et deux feuilles de salade coupées finement. Elle mange avidement, c'est bon signe.
jabot bouché de la poule
Negrita prend son premier repas, huit heures après l'opération.

J+1:

Le lendemain matin, je change Negrita de caisse: Un studio en bois de 2 mètres carré, elle y sera à l'aise pour sa convalescence. Les premiers jours, je "contrôle" sa dose d'aliments à base de maïs cuit et feuilles de salade, de betterave ou de bette, toujours coupées finement. deux fois par jour, J'augmente la dose un peu plus chaque jour.
Je lui donne à boire pendant son isolement, une infusion de thym. Le thym est connu pour ses propriétés désinfectantes, ça ne peut donc que lui être bénéfique.
operation jabot poule
Le studio de negrita.

le jabot bouché de la poule
J'ai dû mettre des caisses en guise de toit, car dès la première heure, Negrita voulait sauter et visiter le garage. (La corde noire sur le bol d'infusion, c'est pour qu'elle arrête de le renverser comme la première fois)

J+2:

Par chance, une amie infirmière est là ce week-end. Je lui demande d'inspecter la cicatrice qui m'a l'air saine. Pas de problème, elle me félicite même pour les points de suture, pourtant je n'ai pas l'impression que ce soit du grand art. Elle me conseille de laisser les fils encore une dizaine de jours et de continuer à lui mettre du désinfectant de temps en temps.

J+3:

La cicatrice est un peu rouge mais tout autour, la peau prend un vilain teint vert-bleu. J'imagine que c'est un hématome, un reste de l'opération, mais il ne faudrait pas que ce soit une hémorragie. Trois jours sont passés, ce serait bizarre. L'amie repasse et confirme que ce n'est rien, l'hématome partira avec le temps.

J+4:

Incroyable capacité de cicatrisation de ces bestioles. Et l'hématome, censé resté là pour un moment a presque complètement disparu. Poupoule est en pleine forme, je commence à lui donner un peu de farine de céréales en plus de sa diète habituelle.

J+5,6,7...

Le soleil est là, je décide de sortir Negrita quelques heures au grand air. Dans le potager, lâchée seule car ses copines ont vite fait de l'agresser dès que j'ai le dos tourné et j'ai peur qu'elles s'en prennent à sa cicatrice. 

J+10:

Armé d'une paire de ciseaux à ongle (lames courbes) et d'une pince à épiler, j'enlève les fils de la cicatrice, aidé par mon grand garçon qui tient Negrita comme un bébé.
Nous la relâchons définitivement dans son enclos. Même si les autres continuent de temps en temps à l'attaquer dès qu'elle s'approche du groupe, elles ne cherchent pas à la blesser.
jabot bouché de la poule
Negrita (à gauche) retrouve ses trois amies.

J+30:

Negrita pond de nouveau un oeuf par jour, et je ne l'ai pas forcée à le faire. C'est signe qu'elle a retrouvé sa pleine forme.
jabot bouché hypertrophie du jabot
Negrita, au premier plan. On distingue sa cicatrice sans plumes. J'espère qu'elles finiront par repousser.

En guise de conclusion:

Cela fait quelques 5 ou 6 ans que j'ai construit mon poulailler. Au départ, l'idée était d'avoir quelques poules pondeuses et quelques poulets à élever.
Mon premier et unique poulet sacrifié, Kiko, a été une expérience relativement traumatisante pour moi. J'ai pourtant vécu à la campagne, j'ai vu mon grand père et mon père dépecer poulets et lapins. Mais la sensation de quitter une vie, m'a laissé un goût amer qui a mis quelques jours à partir. J'imagine qu'on s'y fait. Mais je n'ai pas envie de m'y faire si je n'en ai pas l'obligation. De fait, mes poules finissent au compost et non à la marmite. Elles profitent d'une retraite bien méritée après m'avoir approvisionné de leurs delicieux oeufs bio.
Sur les quelques 20 poules qui sont passées par mon poulailler (j'ai eu quelques pertes dues à renards et autres belettes, mais surtout deux terribles attaques de chiens du voisinage), c'est la première fois que j'ai un problème de jabot obstrué. Mais il semble que cela n'est pas rare et j'aurai peut être à renouveler mon exploit. Mais cette fois-ci, j'aurai un vrai bistouri, du vrai fil de chirurgien, et un spray qui d'après mon pharmacien, existe pour anesthésier localement.

Le fait d'avoir pu sauver une vie, même celle d'une modeste poule, a été une expérience vraiment gratifiante pour moi. Ahh que je regrette après coup de n'avoir poussé les études pour être, comme je le rêvais enfant, vétérinaire ! Après j'ai voulu être dessinateur de BD, puis je suis devenu prof, puis peintre-giteur-astro agriculteur. Trop de choses à la fois pour exceller dans une seule.


Infos qui m'ont été utiles:
Une opération réussie de A à Z
Le jabot bouché-forum
Faire vomir une poule.

19 oct. 2015

Deux jeunes loups face à face dans un bistro

salvados rivera iglesias
Pablo Iglesias et Albert Rivera, face à face.

Un jeune et bel homme à l'arrière d'une voiture qui roule dans un quartier populaire de Barcelone...celle-ci s'arrête. Et monte à bord un autre jeune homme barbu avec une longue queue de cheval. Ils se saluent cordialement, et comme s'il s'agissait de deux amis d'enfance, ils commencent à parler de leur vie. "Tu arrives à voir ta gamine avec ton agenda chargé ces derniers temps?" "Oui, quand je la récupère les week-ends (nous sommes divorcés comme tu le sais), je l'emmène avec moi aux meetings, c'est ça où ne pas la voir du tout..."
La discussion se poursuit quelques minutes, les thèmes sont le stress du monde de la politique, le besoin de vacances et d'anonymat.

Nos deux personnages sont en effet les deux nouvelles coqueluches des espagnols, candidats à la présidence du gouvernement pour les prochaines élections législatives qui auront lieu le 20 décembre de cette année. Pablo Iglesias pour Podemos, le parti né des mouvements des indignés, et Albert Rivera pour Ciudadanos, ce parti catalan anti-indépendantiste devenu avec succès parti national et qui se veut centriste et réformateur.
L'année 2015 a été effectivement lourde en évènements et échéances électorales: Croissance et développement sur tout le territoire de ces deux nouvelles formations politiques. Élections régionales en Andalousie et municipales ensuite, au printemps. Élections catalanes en septembre...Podemos et Ciudadanos ont fait leur irruption dans les institutions, s'affirmant définitivement comme la troisième et quatrième force du pays après le Parti Populaire et le Parti socialiste. Maintenant s'approche la campagne pour les législatives en décembre, et forts de leur ascension fulgurante, ils ne doutent guère qu'ils participeront à la formation du prochain gouvernement (un sondage publié aujourd'hui donne 24% d'intention de vote pour le PP, 21% pour le PS, 18% pour Ciudadanos et 14% pour Podemos.)

La voiture s'arrête de nouveau. Les deux hommes sourient. "Tiens! voilà Jordi!" dit l'un d'entre eux. Sur le bord du trottoir les attend Jordi Évole, un journaliste de leur génération.
Cette génération de ventres creux, laissée pour compte, sans travail, sans logis, lassée de la corruption et des magouilles politiques, qui aspire à changer et améliorer la constitution, à virer ces castes de ventres dorés, qui sont des obstacles à la régénération démocratique et à une société plus juste.
Ces trois hommes, à leur manière, incarnent cette génération du changement: Deux qui veulent le faire depuis la politique et les institutions, et le troisième en dénonçant et en informant, de manière indépendante et sur un ton toujours surprenant et novateur, voire souvent provocateur.

Jordi Évole
Jordi Évole
Car Jordi Évole, qui a commencé sa carrière télévisée il y a 15 ans comme une sorte de Laurent Baffie, a rapidement fait son trou sur la Sexta, une chaîne privé dont la qualité, la pluralité et l'indépendance de ses nombreuses émissions, reportages et débats politiques, permettent  à la population d'être réellement informée, contrairement aux chaînes publiques nationales ou régionales, qui censurent et distordent l'info à leur convenance en fonction des intérêts des partis au pouvoir.
Il a laissé peu à peu son habit d'animateur-provocateur-"fouille merde" pour endosser celui de journaliste plus sérieux sans renoncer à son humour et à son "jusqu'au boutisme". Son émission d'actualité sur la politique et la société, "Salvados", est devenu le rendez-vous d'un public toujours plus nombreux, séduit par les thèmes qu'il affronte sans peur ni tabous, et par la manière de les traiter.

Jordi invite Albert et Pablo à boire un coup dans un bistrot de quartier. La patronne, surprise mais contente qu'enfin, certains commencent à faire une "autre" politique, leur apporte trois cafés "con leche". Le débat commence, bon enfant, comme une simple conversation de café.
Contrairement aux ennuyeux débats entre candidats dont nous habitue la chaîne public depuis la démocratie, ici pas de questions pactisées à l'avance, pas de temps de parole chronométré à la seconde. Tout semble improvisé, même si Jordi à devant lui un papier avec le "scénario" à suivre et quelques questions bien précises sur l'économie, la retraite ou l'éducation.

Le débat entre Pablo Iglesias à gauche, et Albert Rivera à droite. Au centre, le journaliste Jordi Ébole.
Les deux hommes s'affrontent, mais sur un ton de camaraderie. Bien sûr, leur vision sur l'économie et leurs solutions à la crise sont aux antipodes. Pourtant, bien des thèmes les rassemblent: La lutte contre la corruption et la fraude fiscale, la séparation des pouvoirs, la réforme électorale, l'aide urgente aux démunis (1 espagnol sur 3 sous le seuil de pauvreté !)... Ce qui amène Pablo Iglesias à dire sur le ton de la plaisanterie: "si ça continue, on devrait se présenter ensemble!"
On est loin des insultes et des surenchères que se lancent sans cesse les deux principaux partis (PP et PS) au parlement ou sur les plateaux: "c'est celui qui dit qui y'est! " "nous on a fait mieux que vous" "c'est toi qu'à commencé!"...
Crèperies de chignons de cours de récréation qui ont le don d'agacer une partie toujours plus grande de l'électorat.

Plusieurs jours avant l'émission, était diffusée une annonce par elle-même originale: Pablo Iglesias et Albert Rivera en train de boire une bière au comptoir d'un bar regardent la télé où Jordi Évole annonce le prochain débat. Et les deux compères, souvent invités sur la Sexta, de faire des commentaires sur le ton de la blague.
On imagine mal l'actuel président Rajoy, voire même son principal rival, le jeune et séduisant socialiste Pedro Sanchez, se prêter à cette petite comédie sympathique. C'est bien ce qui est en train de faire chavirer la vieille politique. Le manque de naturel, de proximité, et même une complète incompréhension du monde réel des gens qu'ils sont censés représenter.

Et déjà, Jordi rêve de pouvoir réunir lors d'un prochain café-débat, à deux, trois ou quatre, les leaders et candidats du PP et du PS, Mariano Rajoy et Pedro Sanchez.
Rajoy, qui nous a habitué à faire ses conférences de presse à travers d'un enregistrement vidéo sur télé de plasma pour éviter toute question de journaliste, aura-t-il le courage de répondre positivement à l'invitation ? On en doute. C'est une autre génération, une autre façon de faire de la politique. Une espèce, espérons le pour nos enfants, en voie de disparition.

Le débat en chiffres: 5,2 millions de téléspectateurs (25% de l'audience); Réseaux sociaux pris d'assaut: 274.010 tweets.

Le débat télévisé: version complète.

6 juil. 2015

Peindre ou ne pas peindre Tintin, telle est la question

frederic creusot
Les bons et les méchants- huile sur toile de 4 x 2 mètres.
Au vue des dernières nouvelles qui concernent Moulinsart S.A, une sentence d'un juge hollandais qui remet en question l'autoritaire gestion (c'est le moins que l'on puisse dire) des ayants-droit de Hergé, je ressors une note écrite en 2010 pour, avec le recul de ces cinq années passées,  la repenser, l'actualiser et vous raconter comment je me suis vu personnellement menacé et censuré par les sbires de Sir Rodwell.


Un thème qui vient tout naturellement.

Presque vingt ans que je n'ai, pour ainsi dire, touché un pinceau...
Études et concours, début de carrière, départ pour l'Espagne et nouveau projet de vie, enfants à garder et maisons à construire...Le temps est passé sans pouvoir m'ennuyer.
Un quart de vie aussi.
En cette année 2006, l'atelier flambant neuf et les tubes de peinture bien ordonnés, je reste bloqué devant la toile blanche.
Que peindre? Par où commencer?
La spontanéité, profondément refoulée lors de mon passage aux Beaux Arts où l'on vous apprend à penser et conceptualiser chaque projet, à vous situer par rapport à la production contemporaine, a du mal à resurgir. Il me faudra insister plusieurs mois, revenir m'asseoir dans cet atelier qui devient vite un lieu de souffrance et de remise en question, pour enfin prendre la décision libératrice qu'un enfant ne se serait même pas posée une minute: "Je vais peindre ce qu'il me plaît, comme ça vient".

tableau a l'huile
Une des premières toiles, très petit format, qui sera le "déclencheur".
Je commence donc, comme cet enfant, à peindre et dessiner ce qui m'entoure et ce qui m'angoisse à ce moment là: Un sentiment de solitude, de déraciné, d'étranger, dans un petit village de l'Espagne profonde où le "qu'en dira-t-on" va bon train.
En résumé: Moi et les gens.



Tout commence par une boutade: Je suis en train de terminer un petite toile où je me représente en train de me promener quand une amie entre dans l'atelier et en voyant le tableau s'exclame: "Où est Milou ?"
Il faut savoir qu'ici, en Espagne, les gens m'appellent Tintin. Un visage un peu rond, les yeux clairs, les cheveux blonds (mais déjà grisonnant) coupés courts, une petite mèche coiffée vers le haut...
Au point qu'un jour de carnaval à Salamanque, il y a plus de 20 ans, j'avais improvisé en dernière minute un déguisement de Tintin: Polo blanc sous un pull bleu, un pantalon de velours brun dont le bas des pattes s'introduisaient dans des chaussettes blanches pour simuler un pantalon de golf.
tableau de frederic creusot
"Paseo", Première toile où apparaît l'idée du Moi Tintin.
Je vécu cette nuit-là dans la ville prise par les étudiants de tous les pays du monde, ce que pouvait ressentir une star dans sa vie quotidienne: Impossible de faire un pas sans que l'on vous interpelle, que l'on vous parle et que l'on pose avec vous pour une photo souvenir. Cette nuit-là, j'ai pris conscience de l'universalité du personnage de Tintin: Une des grandes icônes du XX siècle.
Et dans le rue, toujours cette même question: "Eh tintin ! Et où est Milou?"

Quand l'amie revient me voir à l'atelier le jour suivant, j'avais répondu à sa question par une petite tache blanche dans le tableau. Pourquoi pas après tout. Ma chienne Laika m'accompagne dans toutes mes sorties champêtres.
Commence alors une série de petites et grandes toiles. Moi et mon chien: Seuls, dans la nature. Autour: Les gens, loin, très loin, en arrière plan...

Peu à peu, des sujets récurrents qui jalonnent mes travaux depuis l'enfance reviennent rapidement comme des fantômes du passé: La difficulté de communiquer, la peur de la foule, de la masse et de ses dérives. Des lectures comme Masse et Puissance de Canetti alimente cette série où se mettent peu à peu en place des éléments qui se retrouveront dans la future série de grandes toiles "Tintin au pays des gens".

tableau frederic creusot
"Les fourmis". Toile de grand format où l'idée d'un fond de visages représentant la masse entre en scène.
frederic creusot
Détail

Tintin au pays des gens.

L'idée du Moi-Tintin fait son chemin au fur à mesure que les toiles s'accumulent dans l'atelier. 
De même que l'envie d'aller plus loin et d'utiliser l'image réelle de Tintin. Pas seulement comment représentation autobiographique mais aussi comme instrument pour renforcer, grâce à un élément graphique connu de tous, une icône appréciée par beaucoup, le message de cette série qui va naître.
J'ai envie de jouer sur l'ambiguïté de la notion de héros, de bien et de mal, de blanc et noir, de positif et négatif. Les éléments graphiques se mettent rapidement en place.

Un schéma simple est mis au point: Un fond noir, sur lequel seront projetées et peintes en lignes blanches des scènes tintinesques réalisées préalablement sur ordinateur. Des images tirées des albums montées en de grandes compositions presque classiques réunissant des dizaines de Tintins. Des batailles de tintins armés de fusils et pistolets, des bagarres entre de "bons" Tintins et de "méchants" Tintins.  Des victimes, des bourreaux.
Qui sont les bons, qui sont les méchants? Impossible à dire. Ils se ressemblent tous. Brouillage des codes et des concepts.
En deuxième lecture, des milliers de petits visages apparemment identiques mais tous peints un à un, qui viennent "pixéliser" le fond de la toile, regardent le spectateur et semblent l'interroger sur sa condition d'être humain.
frederic creusot
Détail du fond d'une des toiles de 2 x 2 mètres.

Le début des ennuis.

Toile de Ole Alberg, artiste danois.
(Extrait de la note de 2010)
"Quand, il y a un peu plus de 3 ans, j'ai décidé de réaliser une série de toiles monumentales qui s'inspireraient du personnage d'Hergé, je m'accrochais à la loi d'exception de parodie ou de citation qui existe dans la loi de propriété intellectuelle. De plus je découvris qu'un peintre danois nommé Ole Ahlberg, qui peint des Tintins dans des situations érotiques,  avait gagné un procès contre Moulinsart et les héritiers de Magritte qui l'accusaient de plagiat. En plus du fait d'avoir vu plusieurs oeuvres d'art parodiant Tintin (la dernière à une foire d'art contemporain à Madrid), cette sentence me paru suffisante pour m'encourager à continuer mon travail. Jusqu'à cette semaine..."






Que s'est-il passé cette semaine-là?
Je découvre par hasard l'existence d'un parisien, Bob Garcia, et de son procès kafkaïen avec Moulinsart S.A.
Un tintinophile averti qui avait édité de petits livres gratuits pour faire connaître l'oeuvre d'Hergé aux enfants. Quelques images des albums pour illustrer ses propos, prises sans autorisations, toujours au nom de cette loi de citation, et le voilà condamné en appel, les huissiers à sa porte, à verser quelques 150.000 euros.
Réussissant à entrer en contact avec lui, lui expliquant photo à l'appui ma démarche en cours, il m'exhorte de laisser tomber. Mon travail peut être légal, cela n'empêchera pas Moulinsart S.A de me traîner dans un procès interminable où j'y laisserai, comme lui, non seulement l'argent que je n'ai pas mais aussi ma santé.
Je tente de jouer une dernière carte: Sous une adresse mail "anonyme", j'envoie quelques photos de mes toiles à Moulinsart S.A en expliquant clairement la démarche de ce travail purement artistique que je suis prêt à leur cèder comme un hommage à l'oeuvre d'Hergé. Réponse immédiate et froide avec une lettre type m'interdisant l'emploi d'images sous peine de poursuites, sauf si les tableaux restent dans le domaine du privé (Donc pas d'expositions, ni de photos sur internet).
Je décide donc assez vite d'arreter  un travail que beaucoup (et pas des moindres) jugeait prometteur. Mais je fais l'erreur de laisser les images de ces toiles sur un site récapitulant mon travail depuis les Beaux-Arts.
Quelle ne fut pas ma surprise quand quelques mois plus tard je reçois un mail du service juridique de Moulinsart S.A. qui me somme non seulement de retirer ces images mais également de leur faire la liste des tableaux existants, des prix, et du montant d'éventuelles ventes, et m'obligeant à abjurer mes fautes en envoyant une lettre dans laquelle je promettrai que jamais, oh plus jamais, je ne dessinerai de petits Tintins.
La fermeture du site et un simple mail leur suffira (mais on me tient à l'oeil.)

La décision de m'auto-censurer est donc prise rapidement, la mort dans l'âme. Trois ans de travail intensif pour des prunes. Des tableaux condamnés à être enfermés dans un cabinet noir, attendant une improbable rédemption. Barbe Bleue a gagné.

Je suis loin d'être le seul à utiliser des images d'Hergé pour des travaux artistiques. Il n' y a pas seulement ce Ole Ahlberg qui semble maintenant hors de danger, mais bien d'autres artistes de nationalités diverses, qui ont pignon sur rue sur le web. Ils exposent dans des galeries, vendent certaines de leurs oeuvres. Certains que j'ai pu contacter me disent que pour l'instant du moins, ils n'ont pas été inquiétés.
Pourquoi moi alors? quels sont leurs critères à l'heure de rechercher d'éventuelles victimes? Mystère. Seul Rodwell le sait.

J'aurais certes pu tenter la lutte de David contre Goliath. Mais étais-je prêt à en payer le prix ?
Il y a des jours, je l'avoue, où cet acte d'auto-censure résonne en moi comme un acte de lâcheté.
Mais à l'inverse des Rodwell et compagnie, l'argent ne m'intéresse pas. Par contre, la vie paisible recherchée dans ce petit coin d'Espagne n'a pour moi et les miens, pas de prix.

Quelques liens seulement sur les affaires Moulinsart, la liste étant interminable:
Sur la position des tintinologues: http://culturevisuelle.org/icones/509
Articles sur les abus de Moulinsart: http://www.bdparadisio.com/Moulins.htm

27 avr. 2015

Élections espagnoles de 2015: La fin du bipartisme ?

bipartisme et corruption en espagne


En seulement quelques jours, la porte parole du Parti Populaire de Mariano Rajoy, Dolores de Cospedal a laissé échapper deux fois ce lapsus malheureux: Prononcer le mot piller au lieu de sortir "de la crise" (Saquear au lieu de sacar).
C'est bien ce sentiment qu'une majorité d'espagnols garderont du mandat de Mariano Rajoy: Un pillage, sous couvert d'une crise économique sans précédent, d'un modèle social péniblement mis en place depuis la fin de la dictature, à grands coups de coupes budgétaires,  de privatisations, mais aussi d'abus et de détournements en tous genres.




Élections et corruption: La facture devrait être salée.

Il ne reste plus qu'un mois avant les élections municipales et régionales, en attendant les législatives prévues à la fin de cette année.
Comme partout ailleurs, les électeurs ayant en général la mémoire courte, il serait sain pour la démocratie espagnole que les médias nous fassent quelques piqûres de rappel sur les interminables cas de corruption qui n'épargnent aucun partis ayant une représentation parlementaire, si ce n'est peut être UPyD qui a fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille.
Au moment de mettre leur bulletin dans l'urne, beaucoup d'espagnols, si l'on en croit les sondages d'opinions, s'en rappelleront et voteront en force pour les nouveaux partis "vierges" nés du ras le bol et des mouvements des indignés comme Podemos ou le nouveau troublion du centre Ciudadanos qui, après s'être vu refuser à plusieurs reprises une coalition avec son clone de UPyD, est en train de le reléguer aux oubliettes, comme l'ont démontré les élections anticipées d'Andalousie il y a un mois.

Les sondages et les votes réels: Le cas andalou.


Ces élections andalouses étaient très attendues car annonciatrices des possibles changements politiques dans ce pays. Mais fait est de constater que l'immobilisme a primé encore une fois car Susana Diaz, la présidente de la région qui était arrivée au pouvoir en 2013 grâce à la démission de Griñan. a obtenu presque la majorité des voix. Comme lors de son dernier mandat avec Izquierda Unida, elle est obligée de pactiser avec un autre parti pour gouverner. Et à ce jour, aucun accord n'a été trouvé, ni avec IU, ni avec Podemos et Ciudadanos qui exigent au minimum que les deux ex-présidents de la région autonome, inquiétés dans le scandale "de los ERE", démissionnent de leur poste de sénateur et député.
Les résultats en Andalousie laissent pressentir qu'il n'y aura pas de "miracle" immédiat comme l'espérait une partie de la population. Les réseaux clientélistes installés par le PSOE et le PP depuis 35 ans dans leurs fiefs respectifs auront encore la vie dure pendant un bon moment.
Néanmoins, un mouvement imparable est en marche. Une partie toujours plus grande des électeurs est de plus en plus consciente des limites de la constitution espagnole actuelle et la jeunesse laissée pour compte, loin de se démobiliser, milite, s'engage, et votera majoritairement pour un changement de régime.
resultats élections andalousie
Composition du parlement andalou comparé aux élections de 2012: On peut constater la forte irruption de Podemos et Ciudadanos au détriment de IU et du PP.


La fin du bipartisme fin 2015 et l'obligation de s'entendre.


Selon les derniers sondages, un nouveau paysage politique semble se dessiner: 4 partis (2 de droite, PP et Ciudadanos et 2 de gauche, PSOE et Podemos) devraient se partager la majorité des voix sans pouvoir dégager une majorité pour gouverner seul. Se vantant d'une légère récupération économique, le Parti Populaire pourrait remporter à la fin de cette année les élections législatives pour seulement quelques points d'avance.
Plusieurs scénarios seront alors possible:
1-Un pacte naturel entre les partis "frères" PP et Ciudadanos est  envisageable bien que ce dernier, comme Podemos, veut rompre avec le passé et la corruption, et pour cela retoucher la constitution. Tout dépendra de la capacité du Parti Populaire à séduire et à se compromettre réellement à changer ses mauvaises habitudes.
2-Un pacte Ciudadanos-Podemos semble anti-naturel. Pourtant, bien des points les rassemblent. Tous les deux veulent changer la loi électorale pour une représentation proportionnelle. Ils se rejoignent aussi dans leur volonté de changer profondément la manière dont fonctionnent les institutions et la politique, et surtout une lutte sans failles contre la fraude fiscale et la corruption. Cela peut être un minimum sur lequel ils pourraient s'entendre. Finalement, on a bien vu en Catalogne un parti de droite gouverner avec un parti d'extrême gauche que tout séparait sauf l'indépendantisme.
3-Un pacte PSOE-Podemos. Encore improbable il y a un an, on sent pourtant dans la gesticulation politique de ces derniers mois, la volonté de certains socialistes de faire les yeux doux au parti de Pablo Iglesias en leur disant "que finalement, ils ont compris leurs erreurs et qu'ils doivent s'unir pour terrasser Ali Rajoy et ses 40 voleurs..."
De son coté, Podemos, très radical dans ses débuts, a commencé il y a un an à adoucir son discours et à camper sur les terres socialistes, allant  jusqu'à se définir comme un parti social démocrate de style "nordique", au risque de perdre les voix gagnées sur les terres de Izquierda Unida et de créer la confusion chez ses électeurs. De fait, Podemos a perdu 10% d'intention de vote en 6 mois, passant de la deuxième force politique à la quatrième, déjà devancé par Ciudadanos dont la montée depuis  deux mois est impressionnante.
Son but avoué reste de gouverner seul et de réunir tous les mécontents. Mais les résultats des élections andalouses et les derniers sondages laissent cependant penser qu'il n'en sera pas ainsi. Le pragmatisme de dernière minute pourrait donc les obliger à s'entendre avec la "caste" socialiste.
4-Le pacte constitutionnel PP-PSOE: Bien qu' aucun des deux partis qui se sont partagés le pouvoir depuis la transition démocratique ne veut l'entendre pour l'instant,  on pourrait voir, à la manière de la Grèce, ce pacte gauche-droite traditionnelles au nom des valeurs de la Constitution, de l'Europe et de l'Euro, mais surtout pour continuer à protéger leurs intérêts.

sondages elections 2015
Graphique de sondages qui vont de fin 2011 (Victoire de Rajoy, actuel président du gouvernement avec majorité absolue au parlement) jusqu'à aujourd'hui. On peut y apprécier les changements du paysage politique dûs à la crise économique et ses réformes anti-sociales mais surtout  à la corruption:
En bleu, le Parti Populaire (PP)
au pouvoir et parti le plus corrompu, qui dégringole.
En rouge le Parti Socialiste (PSOE)
qui, déjà très atteint en 2011, continue son piqué. Izquierda Unida (IU) en marron foncé qui commençait  à monter en puissance grâce au désenchantement des électeurs socialistes mais qui se voit éclipsé il y a deux ans par l'apparition de Podemos dont on peut constater l'impressionnante incursion en noir, jusqu'à être le premier parti en intention de vote cet hiver.
Le rose correspond au parti de centre-gauche UPyD que l'on voit dégringoler lui aussi au profit du parti anti-indépendantiste catalan devenu national, Ciudadanos  (en orange). Ce nouveau parti de centre-droite est la nouvelle surprise de ces derniers mois. Il récupère les voix du PP, de UPyd et certainement du PSOE et de Podemos qui a connu une certaine baisse ces derniers mois. Ciudadanos se veut le changement sans la rupture à la différence de Podemos.
Les autres couleurs en bas de graphique correspondent aux divers partis nationalistes basques et catalans de droite et de gauche.


Le top 10 de la corruption espagnole.

De l'étranger, il est difficile de suivre toutes les affaires qui sont souvent commentées brièvement à la fin du journal télévisé, et dont la complexité nécessitent une bonne connaissance du pays et un complément d'information grâce à une lecture assidue de la presse, de préférence espagnole.
La corruption généralisée de la politique et des institutions espagnoles, autant que la crise économique que les gens ressentent comme intimement liées, est au centre des préoccupations de la population et pèsera lourd dans le bulletin de nombre d'entre eux.
Voici donc ici un résumé, sur les 150 affaires actuellement en jugement, des dix plus importantes trames espagnoles, pour comprendre le profond malaise de la société espagnole.

Affaire de los ERE (PSOE-Andalousie)



De loin la plus importante par les sommes concernées. Vaste trame de détournement et de fraudes sur des aides à l'emploi pour des entreprises en crise qui s'élèverait à 1.400 millions d'euros et qui implique une centaine de personnes dont l'ex-conseiller de l'emploi du gouvernement socialiste en Andalousie Antonio Fernandez. Les deux derniers présidents de cette région, Manuel Chaves et  José Antonio Griñan viennent d'être appelés à témoin et pourraient être inculpés eux aussi.

Affaire Gürtel (PP - Madrid et Valence)


Trame très complexe liée à plusieurs responsables du Parti Populaire. Plus de 120 personnes sont impliquées dont Francisco Correa (le supposé cerveau), Francisco Camps (Ex-président de la communauté de Valence) et l'ex-sénateur et trésorier du PP Luís Barcenás qui possède 22 millions d'euros sur un compte en Suisse. On estime à 120 millions d'euros les sommes détournées et à 48 millions l'argent blanchi à travers ce réseau.

Affaire Punica (PP et PSOE)

Vaste trame de corruption sur tout le territoire mais principalement à Madrid impliquant essentiellement des hommes politiques du PP (et quelques-uns du PSOE), des fonctionnaires et des entrepreneurs dans des affaires de commissions sur commandes publiques. L'entreprise Cofely, filiale de la française GDF-Suez, est de la partie avec quatre de ses dirigeants détenus. Le principal inculpé est Francisco Granados, ex-secrétaire général du PP de Madrid. Les fraudes s'élèveraient à 250 millions d'euros.

Affaire Bankia (PP-Madrid)


L'affaire qui plongea en partie l'Espagne dans la poisse. Une très grande partie de l'argent consacré à sauver les banques espagnoles a été versée à Bankia, ex Caja Madrid, afin de remettre à flot cette importante banque que la mauvaise gestion, les pratiques très discutables, et le grand train de vie de son président Miguel Blesa (PP) et de ses conseillers (15 millions d'euros en plus de leurs salaires durant les dernières années de la banque) avait mis en difficulté.
Rodrigo Rato, ex-président du FMI,  vice-président du gouvernement  et ministre de l'économie sous Aznar (PP), est nommé président de Bankia (fusion de Caja Madrid et d'une autre banque en faillite: Bancaja). Celui-ci non seulement escroque des milliers d'espagnols avec des produits toxiques mais falsifie les comptes de la banque pour permettre sa sortie en bourse.

Affaire des cartes de crédit de Caja Madrid (PP, PSOE, IU, syndicats-Madrid)


Scandale qui fut découvert en octobre 2014 pendant l'instruction de l'affaire Bankia et qui met en cause la casi totalité des conseillers de la banque madrilène. Durant les mandats de Blesa et Rato, ces conseillers et eux-mêmes disposèrent pendant des années d'une carte de crédit Visa pour usage personnel, dont la majorité (82) abusèrent allégrement. Sorte de salaire black non fiscalisé, la fraude s'élèvent à plus de 15 millions d'euros.

Affaire Barcenas (PP)

Affaire sur le supposé financement occulte du parti actuellement au pouvoir grâce à des "donations" faites par des entreprises en échangent de marchés publics juteux. Pratiquement tous les responsables du PP auraient ainsi touchés des salaires black selon Luís Barcenas qui fut trésorier du Parti Populaire pendant 20 ans et possède un compte en Suisse de 22 millions d'euros.


Affaire Pujol (CIU-Catalogne)


Jordi Pujol , président de la Catalogne pendant plus de 20 ans (1980 à 2003), du parti indépendantiste de droite Convergencia Y Unión, est accusé avec sa femme et au moins trois de ses fils, de délits fiscaux divers. Ils possèdent des fortunes sur des comptes en Andorre et en Suisse (estimées à 1.800 millions d'euros), forgées semble-t-il grâce a des détournements de fonds et autres commissions illégales, bien que Pujol attribue leur origine à un héritage.

Affaire Palma Arena (PP-Baleares)


Du nom du vélodrome dont le surcoût lors de sa construction s'élève à 42 millions d'euros. Le président des Baléares du moment, Jaume Matas (PP), est le principal inculpé.

Affaire Nóos (PP-Baleares)


Partie de l'affaire Palma Arena qui implique le gendre du roi Carlos et sa propre fille (et Carlos lui-même selon certaines rumeurs). L'institut Nóos dont le président était Iñaki Urdangarin, a reçu plus de 6 millions d'euros des gouvernements des Baléares et de Valence entre 2004 et 2007 en contrepartie de prestations bidons. Il y a une vingtaine de personnes inculpées dans cette affaire.

Opération Pokémon (PP; PSOE_Galice)

Affaire qui commença à Lugo en 2012 et qui enquête un trame d'obtention de concessions et contrats publics de manière frauduleuse dans plusieurs mairies de Galice.
une centaine d'inculpés: Des fonctionnaires, des chefs d'entreprises, des hommes politiques dont le maire de Saint Jacques de Compostelle Angel Curras (PP), celui de Lugo Xosé Clemente Lopez Orozco (PSOE) et l'ex-maire de Ourense Francisco rodriguez (PSOE).

etc, etc...



24 févr. 2015

Simon Vela, légende d'un Français en Espagne

la peña de francia
La Peña de Francia (Province de Salamanque-Castille et Léon)
Je ne suis pas le seul Français à avoir atterri dans ce coin reculé de la province de Salamanque. Peut-être le premier Vosgien, mais pas le premier Français...

Comme je l'avais expliqué dans un autre article, le nom de Sierra de Francia (littéralement Montagne de France) trouve ses origines dans le repeuplement de cette région au XII siècle par des Français du sud-ouest.
Certainement lié à cet événement majeur, la légende de La Vierge Noire de La Peña de Francia fait résonner le nom de notre pays dans toute l'Espagne, et même au delà. Des missionnaires dominicains originaires des monastères environnants s'en iront, à partir du XVI siècle, pour les lointaines colonies et y essaimeront le culte de Notre Dame de la Peña de Francia en Argentine, au Mexique, au Brésil et même aux Philippines.

La légende du Français Simon Vela.

J'ai ce point commun avec Simon Roland (son véritable nom) que je suis arrivé à Salamanque par hasard et que j'y ai trouvé aussi une vierge qui deviendrait ma femme.
À partir de là,  nos chemins se séparent...
Et l'histoire commence ainsi...

La Vierge apparut à un jeune étudiant parisien appelé Simon Roland. Elle lui commanda de trouver une image d'elle, perdue il y a fort longtemps.
Elle lui dit: " Simon, veille et ne dors point. Tu iras à la Peña de Francia, qui se trouve en terres d'occident, et tu y chercheras une image semblable à moi. Tu la trouveras dans une grotte. À ce moment là, je te dirai ce que tu devras faire." ("Attention, ce message s'autodétruira dans 10 secondes...."
On comprend le pourquoi du nom qu'on lui donnera plus tard: Simon Vela, velar signifiant veiller en espagnol.)
Simon, suivant ces instructions, quitte Paris et parcourt la Bretagne, pointe occidentale de la France. Mais personne ne connaît la dite "Peña de Francia" (Peña est un sommet, synonyme de montagne.)
Déçu, de retour à la capitale française, une voix céleste se fait entendre à nouveau: "Simon, veille. Ne renonce pas à ton pèlerinage. Tes efforts se verront récompensés."
Durant cinq longues années, il continua à chercher sans succès la mystérieuse Peña de Francia sur tout le territoire français. Finalement, il se joignit à des pèlerins en route pour Saint Jacques de Compostelle avec qui il s'agenouillera devant le sépulcre de l'apôtre.
Lors du voyage de retour, il se dévie quelque peu et s'arrête à Salamanque. La Peña de Francia se découpe clairement sur l'horizon. Mais personne dans la ville, ni même les nombreux étudiants, n'est capable de lui procurer quelque information utile.
Jusqu'au jour où,  sur la place du marché de Salamanque, alors qu'il vient de passer six mois dans le petit bourg voisin de Tormes,  il entend la voix d'une femme qui vend du "charbon végétal de la Sierra de Francia". Tentant de courir en direction de la voix, il bouscule des étales et des gens qui, pensant avoir affaire à un fou, le sermonne et le frappe. Entre temps, la femme a disparu et personne, encore une fois, ne saura le renseigner sur elle ou sur la Peña à laquelle il fait référence.
simon vela, un français en espagne
La Vierge cachée dans la grotte et parlant â Simon Vela.
Mais il sent qu'il se rapproche de son but. Et persévérant, il assiste un autre jour sur cette même place à la dispute de deux charbonniers. L'un d'entre eux menace l'autre de le tuer et ensuite de se cacher dans les bois de la Peña de Francia pour échapper à la justice. Les explications que notre Français lui demanda n'obtinrent pas de réponse, mais Simon Roland ne les perdit pas de vue: Il  les suivit lors de leur voyage de retour, et arriva ainsi jusqu'à San Martín Del Castañar, un village de la Sierra de Francia proche de la Peña.
Durant trois jours, il cherche en vain, accompagné de la vierge qui lui susurre "Simon, veille et ne t'endors point...".
Le troisième jour, elle lui apparaît entourée d'un lumière aveuglante, pour lui annoncer que sous le rocher où il venait de s'allonger, se trouve la relique qu'il cherche depuis tant d'années: "Tu creuseras ici, et ce que tu y trouveras devra être exposé dans l'eglise que tu construiras au sommet de la montagne."
Simon descendit à San Martín chercher de l'aide. Quatre habitants, espérant trouver un trésor, proposent de l'accompagner. Après bien des efforts, ils réussirent tous ensemble à bouger la grosse pierre derrière laquelle, dans une petite grotte, se cachait l'image de la Sainte Vierge.
L'histoire a conservé les noms des quatre hommes: Pascual Sánchez, Juan Hernández, Benito Sánchez qui laissa un témoignage écrit de la découverte, et Antón Fernández.
La Vierge voulu que la découverte de son image soit accompagné de prodiges, et exauça un voeu à chacun d'entre eux.
Cet évènement eut lieu le mercredi 19 mai de 1434, alors que régnait en Castille Don Juan II et que Rome avait pour pape Eugène IV.
Simon passa le reste de sa vie à s'occuper de l'image de la Vierge, dans la petite chapelle de la Peña qu'il construisit de ses propres mains.

vierge de la peña de francia salamanque espagne
Copie de la statue originale
dans la grotte du sanctuaire.
Lorsqu'en 1835, le monastère dût être (provisoirement) abandonné à cause de la vente des biens de l'église (désarmortissement), les villages de la Sierra de Francia commencèrent une véritable guerre pour s'approprier la statue de la Vierge Noire. Elle fut enlevée à plusieurs reprises par les habitants de La Alberca, Mogarraz et Sequeros. Récupérée ensuite par la force par les habitants des autres villages et replacée dans sa chapelle d'origine.
Une nuit de 1872, elle fut de nouveau volée et cachée, dit-on, dans une cave de Sequeros. Elle fut restituée 19 ans plus tard sous le secret de la confession au père supérieur des dominicains de Salamanque. Mais ayant souffert de l'humidité, on retailla une image, qui est celle que l'on peut admirer aujourd'hui à la Peña de Francia. Il semblerait que les restes de l'ancienne statue se trouvent à l'intérieur de la nouvelle, visibles au travers d'une ouverture faite au niveau du buste de la Vierge (je n'ai personnellement jamais pu le vérifier, celle-ci étant toujours habillée en public.) 
vierge nore de la peña de francia
La Vierge noire de la Peña de Francia.

La Moza Santa, la prophétesse de Sequeros.

Un autre personnage clé de cette légende, antérieur à Simon Vela, est la Moza Santa (Traduisez: la sainte demoiselle) du village voisin de Sequeros.
folflore de salamanque-espagne
Danses folkloriques et procession de la Sainte Croix
à Sequeros, en l'honneur de la Moza Santa.
Juana Hernández, comme elle s'appelait, mourut de la peste en 1424. Mais sur son lit de mort, déjà presque enterrée par les siens, alors qu'elle était dans un profond coma, elle se réveilla pour leur annoncer plusieurs prophéties qui s'accompliraient peu de temps après.
En plus d'avertir ses parents d'un malheur à venir pour une sombre histoire d'héritage, elle annonça la découverte d'une image de la Vierge qui avait été cachée 200 ans plus tôt dans la Peña de Francia. (Certainement pour la protéger des invasions musulmanes bien que celles-ci datent plutôt de 700-800 et que la Sierra de Francia a été reconquise vers le 10ème-11ème siècle.)
Elle déclara également que trois signes célestes lumineux en forme de croix marqueraient les endroits où, postérieurement, se construiraient le monastère de Gracia à San Martín del Castañar et le sanctuaire de la Vierge de la Peña de Francia ainsi que son monastère.
Sa dernière prophétie concernait son village de Sequeros pour lequel elle jura que jamais plus la foudre ne l'atteindrait, voeu qui apparemment a été exaucé jusqu'à aujourd'hui.

Les reliques de Simon et Juana.

église del robledo  Sequeros
Église Del Robledo, dans le village de Sequeros, classé monument historique.
reliques de la moza santa sequeros
Fémur de la Moza Santa.
Le 3 mai de chaque année, à Sequeros, a lieu la fête de la Sainte Croix, qui rappelle la vie et l'histoire de la Moza Santa.
Une procession part de l'église del Robledo qui abrite les restes de la jeune prophétesse et de notre moine français. Elle se trouve hors du village (Ici, il est courant qu'un village possède plusieurs églises, chapelles et autres ermitages...), et peut se visiter.
En plus d'un impressionnant plafond de style mudéjare, et d'un retable baroque, on y verra les vitrines à
l'étage supérieur où sont exposés les os de Simon Vela, dont son crâne troué par la chute, selon la légende, d'une grosse pierre lors d'une sieste au pied de la Peña de Francia. (Je voudrais bien connaître l'avis du pauvre bougre dont on a  profané les restes et intentionnellement trépané le dessus de son crâne, un trou rond si parfait qu'il est difficile de croire qu'il ait été provoqué par un caillou.)
Y trônent également le crâne d'enfant (très petit, trop petit, vraiment...) de Juana ainsi qu'un de ses fémurs.
reliques de simon vela sequeros
Reliques de Simon Vela.

Le sanctuaire de la Peña de Francia.

peña de francia, salamanque espagne
Le Sanctuaire de la Peña de Francia.
Perché à 1728 mètres, au sommet d'une montagne dont la silhouette typique est reconnaissable depuis une bonne partie de la province de Salamanque, et qui fut très tôt un pôle d'attraction spirituel, le sanctuaire offre une vue imprenable sur les plaines de Salamanque, le Portugal et l'Extrémadure, ainsi que les massifs du système central.
Le monastère dominicain du XV siècle abrite actuellement 2 ou 3 moines, mais vers 1512, la communauté débuta avec 22 membres et comptât même 60 frères au XIII siècle.

casa baja el maillo
Le monastère de Casa Baja  vu
de la Peña de Francia.
On construisit en même temps au pied de la Peña de Francia, le monastère "d'hiver" appelé Casa Baja (Maison Basse), car perché sur son piton enneigé et battu par les vents, le sanctuaire restait inaccessible pendant plusieurs mois de l'année.
Ce monastère "d'appui" servait également de camp de base et d'approvisionnement, car des groupes de moines se relayaient pour s'occuper du sanctuaire et des pèlerins qui pouvaient (et peuvent encore aujourd'hui) s'y loger.
la Casa Baja de la commune du Maíllo, déclaré Monument Historique, est dans un état de ruine déplorable, comme il arrive souvent dans ces contrées où la richesse du patrimoine est telle que l'état ne peut financer tous les projets.
Victime du désarmortissement à la moitié du XIX siècle, de saccages et de vols, il sert actuellement d'étable. Ce n'est malheureusement pas le seul monument de la région qui servent à héberger du bétail. Les vaches et les brebis ne connaissent vraiment pas leur chance...

Que l'on monte à la Peña de francia à pied ou en voiture, pour y contempler le coucher du soleil ou les étoiles, pour y prier ou pour se ressourcer, ce lieu ne laissera personne indifférent, comme toute la Sierra de Francia d'ailleurs...
aube sur la peña de francia
Vue à l'aube depuis la Peña de Francia.

29 janv. 2015

La bombe Barcenas

Depuis plus d'un an et demi en détention provisoire, l'ex-trésorier du Parti Populaire est sorti de prison il y  a quelques jours après avoir payé une caution de 200.000 euros.


luis barcenas
Le désormais célèbre "doigt" de Luís Bárcenas aux médias,
lors de son arrivée à l'aéroport de Madrid il y a tout juste deux ans.
Accusé de corruption, fraude fiscale et détournement de fonds, Luís Bárcenas est sorti jeudi dernier de sa prison où il a passé 19 mois avec des copains de cellule qui l'ont défini de "super sympa et généreux".
 Le juge Ruz a en effet pris en considération que l'instruction étant terminée, et dans l'attente du procès où Luís Bárcenas risque jusqu'à 42 ans de prison, il n'y avait plus de risque de fugue ou de destruction de  preuves. De plus, il ne lui restait plus que quelques mois pour atteindre le maximum légal de la détention provisoire.
Une semaine plus tôt, Barcenas avait accepté sa première interview depuis le début de sa détention. Il y avait notamment fait part de son indignation parce que Rodrigo Rato (ancien directeur du FMI et ex-président de Bankia impliqué dans l'affaire des cartes bancaires black) bénéficiait d'un traitement de faveur car il pourrait être actuellement incarcéré pour les mêmes raisons que lui.

Attendu par la presse sur le parking de la prison, puis devant son appartement de Madrid, l'ancien homme de confiance de Mariano Rajoy ne s'est pas fait prier pour répondre aux nombreuses questions des journalistes et tirer à boulets rouges sur de nombreuses personnalités de son ancien parti.
Il s'est empressé de réaffirmer que le Parti Populaire  possédait une comptabilité "B" servant au financement de campagnes électorales et de versements de salaires "black"que lui même gérait, tout comme les deux trésoriers lui précédant. Il a insisté sur le fait que tout le monde, Rajoy compris, connaissait l'existence de cette comptabilité parallèle dont les fonds venaient de commissions illégales de constructeurs et promoteurs immobiliers.

Depuis, une semaine, il ne se passe pas un jour sans que Barcenas lâche un commentaire compromettant  sur ses anciens amis, entraînant des réactions nerveuses de la part de ceux-ci et des séismes réguliers dans la vie parlementaire.
Mariano Rajoy et son Parti Populaire ont adopté une stratégie erronée depuis la détention de leur ancien trésorier: Niant depuis le début les faits et lui assurant leur confiance et leur soutien (rappelons ce SMS du chef du gouvernement à Barcenas sur le point d'entrer en prison publié quelques jours plus tard: " Luis, je te comprends, soit fort. je t'embrasse"), ils sont passés soudain au mépris.
Luis, l'ami, le camarade, l'homme respectable est devenu "ce monsieur" "ce corrompu", dont on évitait jusqu'à prononcer le nom, que l' on avait connu de loin, qui n'était plus de "la maison" depuis longtemps (alors qu'il avait encore touché son salaire quelques mois avant).
Il n'en fallait pas plus pour énerver Luis Barcenas et lui donner toutes les raisons de vouloir faire des vagues.
Éviter de devenir le seul responsable, comme le prétendent Rajoy et ses amis, d'une trame mafieuse dont il est à peu près certain qu'elle englobe tous les éléphants du parti depuis 20 ans, sera sans aucun doute la base de la défense de Barcenas lors de son prochain procès. Il a déjà annoncé plusieurs fois qu'il possédait des documents prouvant qu'il n'avait pas agit seul.

Bluff ou réalité ?
Ce qui est certain , c'est que pour le PP,  Barcenas est plus dangereux en liberté qu'entre quatre murs. Sa liberté de s'exprimer devant des médias avides de rebondissements pourrait bien porter l'estocade à un Parti Populaire qui a toutes les peines du monde à conserver une première place dans les sondages, face à un Podemos dont l'ascension depuis un an parait n'avoir aucunes limites.
Rappelons que 2015 sera une année électorale intense avec des élections municipales et régionales en mai, et des législatives en novembre, sans parler d'élections régionales avancées en Andalousie en mars et en Catalogne en septembre.


Vidéo de l'interview de Barcenas à sa sortie de prison. L'ironie du sort a voulu qu'elle se fasse en direct, pendant une émission satirique très populaire qui lui voue un véritable "culte".


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