Ce blog ne prétend rien d'autre que d'être une suite d'articles sans liens ni thématiques particulières. Il fait part de la vision d'un expatrié sur ce merveilleux pays qui l'a accueilli, essayant d'en donner une image diffèrente des clichés qu'en ont souvent ceux qui le méconnaisse. Il cherche aussi à temoigner d'une expérience personnelle qui prouve que le bonheur n'est pas une chimère...

28 nov. 2015

BD: La nueve, ces républicains espagnols qui ont libéré Paris.

J'ai aimé...

paco roca la nueve


Après avoir dévoré la bande dessinée et vu la version en dessin animé de "Rides" (Arrugas en espagnol, reédité sous le titre de "La Tête en l'air"), un récit sur la vieillesse et l'Alzheimer traité avec beaucoup de délicatesse et de sensibilité, je suis tombé l'autre jour sur "La Nueve", un des derniers ouvrages de Paco Roca.
 "Los surcos del azar", qui peut se traduire pas les sillons du hasard, est le titre original de cette BD fleuve de  plus de 300 pages.
Paco Roca y raconte, avec son style simple mais efficace, un épisode de la deuxième guerre mondiale peu connu aussi bien des français que des espagnols: Les premiers soldats de la fameuse 2ème DB (et pas BD..) du général Leclerc à être entrés dans Paris le 24 aôut 1944 n'étaient pas des français sinon des républicains espagnols.
L'histoire commence sur le port d'Alicante, les derniers jours de la guerre civile espagnole. L'attente d'un bateau pour échapper aux troupes italiennes et franquistes aux portes de la ville...
Un vieil homme d'origine espagnole, interviewé de nos jours à Baccarat (Lorraine) par celui qui pourrait bien être l'auteur de la future bande dessinée, raconte son périple qui le fera donc passer d'Alicante à Oran, être prisonnier politique sous le régime de Vichy puis s'enroler dans l'embryon d'armée française de libération après le débarquement allié en Afrique du nord pour finir avec ses compagnons d'armes comme les héros oubliés de la libération de Paris.
Et puis surtout, cet espoir frustré qui les motivera et les fera tenir dans les moments difficiles: Le fol espoir, la certitude même, qu'une fois l'Allemagne nazie vaincue, les alliés leur rendraient la monnaie de la pièce en envahissant l'Espagne pour leur permettre d'y restaurer la démocratie.
Peine perdue,... et la tentative de quelques milliers de républicains de passer les Pyrenées (Invasion du Val d'Aran) ressemblera plus à un baroud d'honneur qu'à une véritable offensive. Le général De Gaulle reconnaitra le régime franquiste peu après.

Extrait de 2 minutes du reportage ci-dessous.


Leur histoire.

Pablo Roca:
Site web de Paco Roca.
Editions Delcourt. Livres de P. Roca en français.

4 nov. 2015

Opération "Jabot bouché"


Grâce à l'information circulant sur internet, on peut fabriquer une bombe artisanale, préparer et réussir son suicide, mais aussi sauver une vie, même modeste.


J-7.

Depuis quelques jours, j'observais sur l'une de mes poules une "inflammation" anormale de son cou. J'ai pensé d'abord à une tumeur et en cherchant sur le net, je suis tombé sur des articles traitant d'un problème qui arrive assez fréquemment à ses oiseaux voraces: Le jabot bouché.
Le jabot d'une poule peut se boucher à cause d'un objet comme un gros gravier, un morceau de plastique, une coquille d'escargot,... et même une rondelle de carotte cuite, qui peut faire office de clapet et empêcher les aliments de descendre dans l'appareil digestif. Le jabot gonfle, l'animal ne peut plus s'alimenter et finit par mourir.
jabot de poule
Le plan secret de l'opération (source: AREHN)
Par les nombreux témoignages que j'ai pu lire et plusieurs vidéos d'opérations vétérinaires, il semblerait encore plus fréquent que le jabot d'une poule se bouche à cause d'une accumulation de longues herbes, qui en s'enchevêtrant, finissent par faire une boule énorme impossible à digérer.
Lorsque je palpais le jabot de Negrita (c'est son nom dorénavant, c'est la seule à avoir un nom), je sentais effectivement que celui-ci avait la taille d'une grosse orange mais je ne savais pas ce qu'il y avait à l'intérieur. Si ce n'était ce jabot impressionnant, la gallinacé ne semblait pas être mal en point et s'alimentait normalement. Mais à la longue, je savais qu'elle s'épuiserait et que l'issu était la mort.

J-5: Isolement, massages, aliments liquides:

Pour éviter que Negrita continue à manger comme ses camarades, je l'ai rapidement isolée, et soumise à un régime à base de soupe de légumes et de yaourt, en espérant que ces aliments liquides puissent passer. J'ai ensuite essayé pendant plusieurs jours de la faire vomir ou tout du moins de "désagréger" cette boule pour qu'elle passe par les voies naturelles: 3 ou 4 fois par jour, je lui administrais de l'huile d'olive et de l'eau à l'aide d'une seringue pour ensuite lui masser longuement et fermement le jabot pendant 10 minutes, en la tenant la tête vers le bas. Rien à faire. Après plusieurs jours de ce traitement, je voyais bien que la boule était un peu plus molle mais rien de plus.
Tout me laissait croire qu'ils s'agissait d'une boule d'herbe...

J-1: La Superglu, cette grande invention:

Je navigue sur le net, à la recherche d'infos, de solutions possibles. Le vétérinaire semble l'unique recours. Dépenser 60 ou 100 euros pour sauver ma poule, sans compter que tous les vétos n'opèrent pas une poule, le mien est à 50 km...J'aime les animaux, mais quand même... Je sais, on peut me dire que c'est du "racisme" animal, car je n'aurais pas douter un instant de dépenser cette somme pour un chat ou un chien.
Et puis soudain je tombe sur cette incroyable vidéo:


Coller les plaies à la Superglu ! Je ne pouvais pas le croire mais apparemment ça marche!
L'opération semble simple: À cette endroit, il n'y a pas beaucoup de chair: En évitant l'artère, une première incision, un seconde pour ouvrir le jabot, on retire le bouchon, on colle et hop! Affaire conclue!
Je visionne d'autres vidéos plus longues de vétérinaires opérant des poules atteintes du même problème de manières plus académiques, en fermant les plaies avec du fil.
Durant la nuit et un sommeil agité, l'idée fait son chemin: Je pourrais opérer moi même Negrita...

Opération "Jabot Bouché".

Vendredi 09 octobre (Octobre rouge)
13h00: Je commence à préparer le matériel sur l'établi un peu sombre du garage. J'aurais une lumière naturelle dans la cuisine mais Madame me virerait de la maison si elle me voyait faire ça là.
Et puis....Il s'agit d'une opération secrète. Fred Bond 007, permis d'opérer à défaut de tuer.
Je retrouve un cutter spécial qui date des beaux arts et servait à faire de fines découpes de photographies et même de plastiques. C'est ce qui ressemble le plus à un bistouri. J'y mets une lame neuve et la nettoie à l'alcool. Je prends aussi un cutter normal au cas où.
Des compresses, une pince à épiler pour retirer le bouchon, une seringue avec de l'eau tiède pour laver l'intérieur du jabot, une lampe frontale pour mieux voir et le tube de Superglu...je crois que je n'oublie rien.
Je suis nerveux.
Vais-je faire une connerie?
Bon, si ça se passe mal, un coup sur la tète et on en parle plus!
Oui mais quand même! j'ai même pas d'anesthésie locale...(il est apparemment compliqué d'anesthésier complètement les oiseaux)
Je pense un instant à lui faire boire du whisky ou un truc dans le genre, comme dans les films de types durs qui mordent leur ceinture pendant qu'on leur retire une balle, histoire qu'elle soit un peu moins consciente. Mais je risque de lui faire plus de mal que de bien.
J'attache les pattes de Negrita et la fixe à une petite planche de bois en introduisant son corps dans un vieux pyjama d'enfant, l'empêchant de bouger les ailes. Avec le pantalon de ce même pyjama, je recouvre un peu sa tête pour la tranquilliser.
Le jabot est là, gonflé, bien éclairé grâce à ma lampe frontale. 
Au fond de ma grotte, je dois ressembler à une sorte de savant fou, Docteur Moreau ou mister Frankenstein.
J'y vais ou j'y vais pas?
Je finis finalement par me décider. je prends le cutter...
rien.
Pas une marque sur la peau. Ce truc ne couperait même pas le beurre. l'autre cutter de secours non plus. J'avais pourtant fait des essais sur du plastique dur et ils coupaient ces machins-là. Mais je n'ose pas non plus appuyer trop fort.
merde, merde,merde.
Je cours chercher une lame de rasoir neuve.
Là oui, je commence à inciser la peau. un peu de sang coule.
Compresse.
Le doute m'envahit. Je n'aurais pas dû..oui mais maintenant il faut continuer.
La lame de rasoir pour le jabot, c'est pas possible, trop gros, trop peu précis pour aller dedans.
Je reprends le cutter-bistouri et en y mettant sa pointe, j'arrive à transpercer ce corps élastique et dur, à le couper sur deux centimètres.
Encore un peu de sang.
Compresses.
Avec la pince à épiler d'Angela, (je te jure que je l'ai bien nettoyée ensuite), je commence à retirer des "cordes" d'herbes mouillées et fétides.
Entre temps, comme si elle avait lu dans mes pensées, celle-ci arrive sans savoir ce que je fais exactement, et pensant que je suis en train de faire un autre genre de bricolage, elle s'approche pour me commenter quelque chose. Voyant la scène, accompagnée de l'odeur très désagréable qui l'accompagne, elle décide de se retirer à grands cris dans ses appartements.
Une bonne partie du bouchon a été retirée mais son centre est resté dur et sec. Je dois tirer assez fort avec une pince d'électricien pour pouvoir le sortir. Le jabot, élastique, s'ouvre et se referme à son passage. La poule, qui jusqu'à présent n'avait pas bronché, se plaint un instant.
Voilà, c'est fait. deux ou trois seringues d'eau introduites à l'intérieur pour laver le jabot et vérifier qu'il ne reste rien. Compresse pour sécher puis vient le moment magique de la superglu.
Je me dis que cette colle sur des tissus à vif risque de faire réagir Negrita. Non, elle ne dit rien. Le jabot se referme. Incroyable.
Je passe à la plaie externe, mais l'humidité du sang et de l'eau empêche la colle de prendre.
Remerde, merde, et merde.
À vive voix, j'appelle Angela à l'étage pour qu'elle m'amène une aiguille et du fil, ce qu'elle fit prestement.
Moi qui suis nul en couture.., et elle qui refuse absolument de mettre la main à la pâte. Elle m'a néanmoins préparé le fil avec son petit noeud. je n'ai plus qu'à terminer.
Negrita, je le comprends, n'apprécie guère. Elle aurait préféré terminer à la Superglu.
À chaque fois que je la pique, elle pousse un gloussement réprobateur. Mais je fais ça pour toi, moi! tu crois que je prends mon pied?
Une paire de boucles, un dernier noeud. un peu de désinfectant. Ça ressemble plus à un rôti qu'à une cicatrice.
Mais Negrita est sauvée, enfin, pour l'instant.
14h25: je mange sans appétit. Pas par dégoût, mais à cause de la tension nerveuse qui, après coup, remonte à flot.

Debriefing, photos à l'appui:

On dirait que rien ne s'est passé, elle a l'air en forme. Mais ma grande peur est une possible infection post-opératoire.
J'isole donc Negrita dans une caisse garnie de papier journal,  bien au chaud dans le garage.
Comme vu sur l'article béni, pas d'eau avant 24 heures, mais déjà le soir (8 heures après l'opération), je lui donne un peu de maïs cuit et deux feuilles de salade coupées finement. Elle mange avidement, c'est bon signe.
jabot bouché de la poule
Negrita prend son premier repas, huit heures après l'opération.

J+1:

Le lendemain matin, je change Negrita de caisse: Un studio en bois de 2 mètres carré, elle y sera à l'aise pour sa convalescence. Les premiers jours, je "contrôle" sa dose d'aliments à base de maïs cuit et feuilles de salade, de betterave ou de bette, toujours coupées finement. deux fois par jour, J'augmente la dose un peu plus chaque jour.
Je lui donne à boire pendant son isolement, une infusion de thym. Le thym est connu pour ses propriétés désinfectantes, ça ne peut donc que lui être bénéfique.
operation jabot poule
Le studio de negrita.

le jabot bouché de la poule
J'ai dû mettre des caisses en guise de toit, car dès la première heure, Negrita voulait sauter et visiter le garage. (La corde noire sur le bol d'infusion, c'est pour qu'elle arrête de le renverser comme la première fois)

J+2:

Par chance, une amie infirmière est là ce week-end. Je lui demande d'inspecter la cicatrice qui m'a l'air saine. Pas de problème, elle me félicite même pour les points de suture, pourtant je n'ai pas l'impression que ce soit du grand art. Elle me conseille de laisser les fils encore une dizaine de jours et de continuer à lui mettre du désinfectant de temps en temps.

J+3:

La cicatrice est un peu rouge mais tout autour, la peau prend un vilain teint vert-bleu. J'imagine que c'est un hématome, un reste de l'opération, mais il ne faudrait pas que ce soit une hémorragie. Trois jours sont passés, ce serait bizarre. L'amie repasse et confirme que ce n'est rien, l'hématome partira avec le temps.

J+4:

Incroyable capacité de cicatrisation de ces bestioles. Et l'hématome, censé resté là pour un moment a presque complètement disparu. Poupoule est en pleine forme, je commence à lui donner un peu de farine de céréales en plus de sa diète habituelle.

J+5,6,7...

Le soleil est là, je décide de sortir Negrita quelques heures au grand air. Dans le potager, lâchée seule car ses copines ont vite fait de l'agresser dès que j'ai le dos tourné et j'ai peur qu'elles s'en prennent à sa cicatrice. 

J+10:

Armé d'une paire de ciseaux à ongle (lames courbes) et d'une pince à épiler, j'enlève les fils de la cicatrice, aidé par mon grand garçon qui tient Negrita comme un bébé.
Nous la relâchons définitivement dans son enclos. Même si les autres continuent de temps en temps à l'attaquer dès qu'elle s'approche du groupe, elles ne cherchent pas à la blesser.
jabot bouché de la poule
Negrita (à gauche) retrouve ses trois amies.

J+30:

Negrita pond de nouveau un oeuf par jour, et je ne l'ai pas forcée à le faire. C'est signe qu'elle a retrouvé sa pleine forme.
jabot bouché hypertrophie du jabot
Negrita, au premier plan. On distingue sa cicatrice sans plumes. J'espère qu'elles finiront par repousser.

En guise de conclusion:

Cela fait quelques 5 ou 6 ans que j'ai construit mon poulailler. Au départ, l'idée était d'avoir quelques poules pondeuses et quelques poulets à élever.
Mon premier et unique poulet sacrifié, Kiko, a été une expérience relativement traumatisante pour moi. J'ai pourtant vécu à la campagne, j'ai vu mon grand père et mon père dépecer poulets et lapins. Mais la sensation de quitter une vie, m'a laissé un goût amer qui a mis quelques jours à partir. J'imagine qu'on s'y fait. Mais je n'ai pas envie de m'y faire si je n'en ai pas l'obligation. De fait, mes poules finissent au compost et non à la marmite. Elles profitent d'une retraite bien méritée après m'avoir approvisionné de leurs delicieux oeufs bio.
Sur les quelques 20 poules qui sont passées par mon poulailler (j'ai eu quelques pertes dues à renards et autres belettes, mais surtout deux terribles attaques de chiens du voisinage), c'est la première fois que j'ai un problème de jabot obstrué. Mais il semble que cela n'est pas rare et j'aurai peut être à renouveler mon exploit. Mais cette fois-ci, j'aurai un vrai bistouri, du vrai fil de chirurgien, et un spray qui d'après mon pharmacien, existe pour anesthésier localement.

Le fait d'avoir pu sauver une vie, même celle d'une modeste poule, a été une expérience vraiment gratifiante pour moi. Ahh que je regrette après coup de n'avoir poussé les études pour être, comme je le rêvais enfant, vétérinaire ! Après j'ai voulu être dessinateur de BD, puis je suis devenu prof, puis peintre-giteur-astro agriculteur. Trop de choses à la fois pour exceller dans une seule.


Infos qui m'ont été utiles:
Une opération réussie de A à Z
Le jabot bouché-forum
Faire vomir une poule.
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