Ce blog ne prétend rien d'autre que d'être une suite d'articles sans liens ni thématiques particulières. Il fait part de la vision d'un expatrié sur ce merveilleux pays qui l'a accueilli, essayant d'en donner une image diffèrente des clichés qu'en ont souvent ceux qui le méconnaisse. Il cherche aussi à temoigner d'une expérience personnelle qui prouve que le bonheur n'est pas une chimère...

7 août 2014

Peintures rupestres de la vallée de Las Batuecas-Salamanque

la vallée de las batuecas-salamanque
Las Batuecas-Salamanque-Espagne
Le coeur et l'âme  du parc naturel de la Sierra de Francia, sa raison d'être, se trouve dans une petite vallée agreste et escarpée: LAS BATUECAS.

La rivière du même nom prend sa source dans les contre-forts du massif de la Peña de Francia pour aller se jeter une vingtaine de kilomètres plus loin dans une rivière d'Extrémadure (El Ladrillar), dans la région des Hurdes (connue pour le film documentaire de Luis Buñuel des années 30, "terre sans pain", dont nous parlerons dans un prochain article...)
D'une beauté sauvage et intacte, le micro-climat qui règne au fond de ses gorges protégées permet l'essor d'une foule d'espèces végétales et animales dont certaines endémiques comme le lézard de Las Batuecas.
Correspondant à la découverte des Amériques et au mythe du "bon sauvage" (être primitif mais pur car non contaminé par notre culture civilisée occidentale), certains voulurent voir dans cet endroit magique le lieu d'une genèse, une sorte d'Eden. Le poète Lope de Vega (1562-1635)  cite ainsi la vallée:
"Chose jamais vue ni imaginée en Espagne! Mais telle est la montagne que nous avons laissée derrière nous, qui comme j'ai pu le voir forme un château de rochers qui atteignent le ciel."

Un lieu mystique et sacré.

monastère de las batuecas
Monastère de San José- Las Batuecas (Salamanca)
Le site, duquel émane une étrange vibration mystique, invite à la promenade et à la contemplation.
C'est tellement vrai que très vite (vers le XVIème siècle) se construit un monastère à l'entrée de la vallée, ensuite parsemée d'une vingtaine de petites chapelles perdues dans les hauteurs, où les moines-ermites s'isolaient pendant de longues périodes de retraites spirituelles. On comptait alors une quarantaine de moines, la moitié vivant à tour de rôle dans l'isolement de ces ermitages dont quelques uns seulement sont visibles depuis le sentier de randonnée qui remonte la rivière jusqu'à sa source, souvent trahis par les longues silhouettes des cyprès qui ont la coutume de les accompagner.
vie monastique et ermites de las batuecas
Un des ermitages de la vallée de Las Batuecas..
La plus grande concentration de peintures rupestres schématiques de la péninsule ibérique.
peintures rupestres
Représentations schématiques humaines et animales.
Ce lieu fut habité ou du moins fréquenté très tôt. Ses grandes falaises de quartz, planes et lisses, comme de grands murs souvent protégés des intempéries par des abris naturels,  étaient une invitation à peindre ou à écrire. Le mélange des deux, comme ici, donne comme résultat des peintures schématiques dont la symbolique et la fonction sont loin de mettre d'accord les spécialistes: Que signifient ces silhouettes humaines armées d'arcs, ces chèvres, ces poissons, ces successions de points et de traits?
Rituels sacrés, calendriers, tableaux de chasse, scènes de vie, comptes de bétail primitif ? Nul ne le sait vraiment...
On sait qu'elles datent du néolithique (environ 10.000 ans avant J-C) et donc ces hommes pouvaient être chasseurs mais aussi pratiquer l'élevage. (Les premières civilisations reconnues  sont Sumer, 6000 ans avant J.C., l'Egypte antique, 3000 ans avant J.C., la vallée de l’Indus, 5000 ans avant J.C...)

L'interêt pour la préhistoire vers la fin du XIXème siècle dans cette partie de l'Espagne permit de recenser rapidement une vingtaine d'abris couverts de peintures dans un excellent état de conservation grâce, entre autre, au type de roche (quartz dur et donc peu friable) et au peu de lichens qui s'y développe. Le spécialiste de la préhistoire espagnole de cette époque, Juan Cabré, ainsi que l'abbé Breuil lui même qui fit trois visites sur le site entre 1902 et 1915, authentifièrent et répertorièrent les peintures en majorité monochromes (ocre rouge) bien que certaines soient rehaussées de blanc et de noir.

On compte aujourd'hui une centaine d'abris peints répertoriés dans la seule vallée de Las Batuecas (d'autres gisements existent dans d'autres vallées de la Sierra de Francia comme par exemple la vallée de la Palla ou dans les Hurdes proches)  sur une surface de 4 km sur 8 km, soit 10 % des peintures rupestres de la péninsule. Nous sommes donc bien en présence d'un des plus importants sites de la préhistoire espagnole, et du plus imposant par sa concentration. En Extrémadure, dans le parc de Monfragüe, nous trouvons un nombre équivalent de peintures mais disséminées sur 18.000 hectares (soit 5 fois plus de surface).
peintures rupestres de las batuecas

Breuil établit plusieurs phases picturales qui démontrent que la vallée fut occupée et peinte pendant plusieurs millénaires allant de la fin du paléolithique au néolithique. Des plus anciennes au plus récentes, souvent peintes sur la même surface, il classa les peintures comme suit:
1- Figures naturalistes d'animaux (bouquetins, chèvres, ours, félins..) peintes en  rouge ou ocre rouge.
2- Figures zoomorphiques, peintes en noir.
3- Figures antropomorphiques, zoomorphiques, arboriformes, barres et points de couleur rouge.
4- Figures de couleur blanche.
5- Figures de couleur rouge et traits fins (les autres sont réalisées avec le doigt) qui représentent divers objets comme roues solaires, filets, échelles.

Pendant les premiers siècles de vie monastique, certaines peintures furent profanées par les moines (qui y voyaient des images sataniques) ou certains "touristes", les premiers vers le 18ème siècle qui déjà ressentaient le besoin de laisser une trace de leur passage. Il en reste encore les stigmates gravés ou peints, et certains encore très récents du 20ème siècle obligèrent à protéger les abris les plus visités par des grilles (à défaut d'y enfermer leurs auteurs...)

peintures rupestres protégées
Peintures de "las cabras pintadas", juste en dessous se trouve un des meilleurs endroits de baignade de la vallée.
Une visite obligée à une heure de Salamanque, sur la route du Portugal.

Depuis peu, un parking obligatoire nous oblige a faire un kilomètre supplémentaire sur une passerelle adaptée aux handicapés pour arriver au départ de la randonnée qui démarre réellement devant le monastère (fermé au public). De là, nous remonterons la rivière jusqu'à la première peinture qui se trouve à une demi-heure de marche (une heure aller et retour), celle de "las cabras pintadas". La suivante, celle de "Cristo" se trouve une demi-heure plus loin.
caverne de cristo-las batuecas
Grotte de "Cristo"
On peut ainsi choisir de visiter les premiers abris ou de s'aventurer dans une longue excursion d'une journée à la recherche des peintures les plus éloignées et les mieux conservées (ces dernières ne sont pas indiquées, il faut les trouver...)
La cerise sur le gâteau (en hiver et au printemps surtout) étant la cascade "del Chorro" qui se trouve au fond de la vallée.
cascade qui termine la vallée
La cascade du Chorro.
En été, les nombreuses vasques naturelles offrent des pauses rafraîchissantes. Les autres saisons, on y plonge les pieds fatigués par la marche. Mais durant toute l'année, le bruit de l'eau qui accompagne le randonneur permettra sans nul doute, c'est le cas de le dire, de se ressourcer...
piscine naturelle rio batuecas
Bassin naturel près de "las cabras pintadas".


Nos gîtes sont idéalement situés pour connaître ce lieu fantastique, à quelques 30 minutes à peine en voiture, en passant par La Alberca.
précipice dans la vallée de las batuecas

À lire: Légende des Jurdes et des Batuecas (M. Legendre ; Bulletin Hispanique-1927) 

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